Prochain choc attendu, celui du prix du sucre. Un produit qui sert aussi à la fabrication des biocarburants. Franchement, il y a de quoi désespérer. Que le chef du gouvernement puisse ne pas être au fait d'un dossier et en parle maladroitement aux opérateurs économiques relève du domaine du possible. Mais que le ministre chargé du dossier en question lâche une telle contrevérité, jeudi dernier et en public s'il vous plaît, vous laisse perplexe sur le sort qui attend le pays s'il continue à être géré de la sorte. Il s'agit du blé dur avec lequel on obtient de la semoule qui n'est touché par aucune subvention de l'Etat contrairement aux déclarations de ces deux hauts responsables. Tout le monde sait que le prix des céréales ne cesse d'augmenter sur le marché international depuis l'été dernier. Tout le monde sait aussi qu'il y a deux sortes de blé. L'un tendre pour la farine de pain et l'autre dur pour la semoule du couscous. Le premier est subventionné par l'Etat ce qui maintient le prix du pain à son niveau d'avant la crise. Le second, par contre, n'est pas subventionné. Tant et si bien que M.Mohamed Kacem, directeur général de l'Oaic, seul importateur de céréales pour l'Algérie depuis la désertion des privés nullement philanthropes, a déclaré, la semaine écoulée, au quotidien El-Watan en gros et en rouge, qu'il allait «demander la subvention de l'Etat pour le blé dur». Sauf à avoir vraiment l'esprit tordu, il n'y a pas plusieurs manières de comprendre une telle affirmation. Il est vrai cependant que le prix de la semoule livrée par l'Oaic est à 2280DA le quintal alors que sur le marché international son prix est équivalent à 5460DA. Pourquoi et comment? Là, même M.Kacem s'emmêle les pinceaux et déclare d'un côté que «ce différentiel est supporté par l'Oaic car non soutenu par l'Etat. C'est un produit libre» et de l'autre rappelle que «nous n'avons pas le droit de vendre à perte comme le stipule le Code de commerce». Alors, dans quelle cagnotte puise le dirigeant de l'Oaic pour supporter le différentiel sans subir de pertes? La réalité est que l'Oaic, comme le dit son directeur général, «n'achète pas au jour le jour...nous avons des stocks pour de longs mois et nous gardons les prix à ce niveau-là (2280DA, Ndlr)». Principal client de la Commission canadienne du blé, l'Algérie a toujours acheté des quantités importantes sur le long terme. C'est-à-dire que la semoule livrée en ce moment par l'Oaic a été achetée en février dernier avant la flambée des prix. Voilà, c'est tout! On peut à la rigueur parler d'un manque à gagner pour l'Office. Mais comme il a une mission de régulation en période de crise, il est tout à fait normal qu'il atténue la facture des minotiers. Reste que malgré tout le prix de la semoule sur le marché intérieur a augmenté bien au-delà du prix préférentiel de l'Oaic. Pourquoi? La raison est très simplement expliquée par un client de l'Oaic. Depuis la crise, l'Office a revu ses livraisons à la baisse. Il ne livre plus que 50% des commandes de ses clients, minotiers et autres transformateurs. De plus, il ne livre que 5 jours sur 7 alors que les meuniers travaillent 7 jours sur 7. Résultat et en faisant une moyenne, cela équivaut à une livraison de l'Oaic de l'ordre de 40%. Un opérateur économique qui ne peut faire tourner son unité de production qu'à 40% de ses capacités subit forcément des pertes. Pour les atténuer il va obligatoirement inclure dans ses calculs de prix les charges fixes de son unité. D'où les augmentations que le chef du gouvernement et son ministre du Commerce ne saisissent pas et déclarent à tour de rôle leur étonnement des augmentations des prix de la semoule sur le marché intérieur malgré les subventions de l'Etat. Sauf à confondre avec le blé tendre avec lequel on obtient la farine qui donnera ensuite le pain et qui est seul à être subventionné, l'erreur est impossible. Ce n'est pas très compliqué à comprendre, l'Etat subventionne le pain mais pas (encore) le couscous. Même le pain augmente tant que l'Oaic maintient le rationnement actuel à 50 ou 40% des commandes. Voilà pourquoi on ne trouve que du pain «amélioré» dans les boulangeries. Prochain choc attendu, celui du prix du sucre. Un produit qui sert aussi à la fabrication des biocarburants. Les paris sont ouverts pour savoir si le gouvernement s'y prépare où si, comme toujours, il attend que le ciel lui tombe sur la tête. Plutôt sur nos têtes.