Le souci de l'environnement et l'attention portée aux bouleversements climatiques pourraient changer la donne dans la remise du prestigieux prix Nobel. Alfred Nobel avait déjà vu large à la fin du XIXe siècle en appelant, dans son testament, à la création d'un prix de chimie, physique, médecine ou physiologie, mais aussi de littérature et de la paix. Quelques décennies plus tard, le prix d'économie vint compléter la liste. De loufoques «anti-Nobel» ont même fait surface, sur le mode de l'humour. Mais aujourd'hui, un nouveau prix pourrait-il naître, au vu des problématiques propres au XXIe siècle? Alors que le thème du réchauffement climatique sature les chaînes de télévision, fait couler -à tort ou à raison- l'encre des journalistes, des hommes politiques et des savants, alors que le «Grenelle de l'environnement» va s'ouvrir en France et que l'ONU s'enquiert chaque jour davantage des caprices de l'atmosphère, un prix Nobel de l'écologie ne serait-il pas opportun? La saison des Nobel 2007 débute demain, mais la Fondation Nobel s'est, d'ores et déjà, montrée catégorique: il n'y aura pas de création de nouveau prix. Pourtant, les enjeux planétaires actuels s'instillent au creux des grandes causes universelles et le critère écologique pourrait influer sur la désignation des futurs lauréats. Dans les cercles des décideurs, dans les arènes politiques, le sujet climatique a pris de l'ampleur en peu de temps, ouvert des discussions jusque-là négligées. Ainsi, Al Gore -l'ancien vice-président américain au premier plan dans le documentaire sur le réchauffement de la planète, Une vérité qui dérange, qui fit grand bruit dès sa sortie en 2006- convia au Congrès des climatologues pour débattre avec la foule des représentants élus. Récemment, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a nommé trois envoyés spéciaux à travers le monde sur les changements climatiques. Il y a dix jours, enfin, le sommet de New-York sur le climat a réuni 150 pays, sans que George Bush, pourtant vivement critiqué à cet égard, n'y prenne part. Certains murmurent, dans les loges du prix Nobel, qu'Al Gore, nouveau chantre d'une planète responsable, pourrait être récompensé, ou encore l'Inuit canadienne, Sheila Watt-Cloutier, qui défend le «droit au froid» pour les populations de l'Arctique, où la température augmente deux fois plus vite qu'ailleurs. Récompenser cette nouvelle croisade pour l'environnement aurait déjà le mérite de rappeler à tout citoyen la portée de ses actes: car chacun apporte sa contribution, aussi petite soit-elle, au respect du milieu naturel, que ce soit sur le palier de sa porte, dans les ruelles de son quartier ou sur le sable de sa plage. Les prix Nobel pourraient donc étendre davantage leurs champs: une passerelle semble d'ailleurs déjà lancée entre la lutte contre les dérèglements climatiques, «menace» à l'échelle planétaire, et le prix Nobel de la paix. Ainsi, en 2004, la militante écologiste kényane, Wangari Maathai, avait été décorée pour «sa contribution en faveur de la démocratie et de la paix». Surnommée la «femme arbre», elle avait, notamment fédéré les volontés pour que 30 millions d'arbres soient plantés à travers son pays, afin de prévenir l'érosion du sol. Le souci environnemental pourrait aussi s'intégrer, de toute évidence, aux prix Nobel scientifiques. Selon Donald Kennedy, rédacteur en chef de la revue américaine Science, «la physique et la chimie atmosphériques et certains des travaux sur les mécanismes relatifs au réchauffement climatique sont très importants, et il est très possible qu'une année ou une autre cela mérite un Nobel». Les bouleversements du climat sont, en effet, une source abondante d'études, d'analyses ou d'élaboration de grandes hypothèses pour les scientifiques du monde entier. Quand le roi de Suède remettra la noble récompense -une médaille en or, un diplôme et plus d'un million d'euros- aux différents lauréats du prix Nobel le 10 décembre prochain, la réduction des gaz à effet de serre sera au même moment au coeur des discussions, lors la conférence de Bali, consacrée à l'après-Kyoto...Simple coïncidence ou heureux présage pour les pourfendeurs du réchauffement climatique.