Paradoxalement, dans l'exposé des motifs qui appuie l'article 78, aucune allusion n'est faite aux élus qui font l'objet de poursuites judiciaires. Encore une fois, l'Etat se trouve contraint d'avoir recours aux ressources du Trésor public pour assainir la situation financière des Assemblées populaires communales. Confrontées à la mauvaise gestion et à l'insuffisance des ressources, les caisses des collectivités locales sont officiellement déclarées «déficitaires» dans le projet de loi de finances pour 2008. En effet, l'article 78 de celui-ci prévoit que «pour l'année 2008, la dette des APC, arrêtée au 31 décembre 2006, est couverte par des dotations inscrites au budget de l'Etat». 150,5 milliards de DA est l'enveloppe à dégager pour pallier cette situation. Ce chiffre représente globalement les dettes contractées, notamment auprès de la Cnep. Elles sont dues, selon l'exposé des motifs, «au titre des financements apportés par cette banque pour la réalisation des programmes de logement promotionnel initiés durant les années 80 et au début des années 90 et qui ont été confiés aux promoteurs publics traditionnels, tels les Eplf, Opgi, APC et Cnep». En raison des retards dans la réalisation, à la mévente de certains projets, à des ventes unilatérales par les promoteurs sans reversement des produits des ventes à la Cnep, au transfert vers le social locatif de certains programmes à des prix en deçà des coûts réels de réalisation, «les promoteurs ayant bénéficié des financements Cnep se sont montrés défaillants et n'ont pas honoré leurs engagements financiers envers cette institution». «Le provisionnement total de ces créances, dont l'encours au 31 décembre 2005 s'élève à 150,5 milliards de DA conduirait à déséquilibrer gravement les fonds propres de cette banque.» Concernant la dette des Eplf et des Opgi vis-à-vis de la Cnep, il est prévu leur prise en charge dans le cadre de l'assainissement financier des entreprises publi-ques, prévu par l'article 84 de la loi de finances pour 2005. Les APC ne sont pas éligibles à ce dispositif. Aussi, il est proposé la prise en charge de leur dette vis-à-vis de cette institution à partir des ressources du budget de l'Etat. «Une telle mesure contribuerait à désendetter des institutions publiques (les APC) et à assainir la situation financière de la Cnep Banque.» Aussi, «en prévision de la mise en place d'une nouvelle fiscalité locale, cette mesure vise à donner à ces APC une situation financière saine, débarrassée du poids du passé». La question qui s'impose est de savoir si les services autorisés vont enquêter sur les dépenses des APC avant d'assainir leurs caisses? En effet, force est de constater que de nombreux élus locaux, plus de 300, sont poursuivis par la justice pour mauvaise gestion et dilapidation de deniers publics. Paradoxalement, aucune allusion n'est faite à cette catégorie dans l'exposé des motifs qui appuie l'article 78. Les services du ministère des Finances se sont contentés d'évoquer la dette des APC envers la Cnep, sans toutefois soulever les autres «motifs» qui fragilisent la caisse locale, et élèvent la dette des APC bien au-delà de la barre des 150 milliards de DA. Mieux, selon la présentation faite par le ministre des Finances, l'Etat a une grande part de responsabilité dans cette situation, sachant à titre d'exemple que le transfert vers le social locatif de certains programmes obéit strictement aux instructions de l'Exécutif et parfois à celles émanant du président de la République. Après l'assainissement de la dette des APC, l'Etat propose dans l'article 79 dudit projet, de supporter «l'incidence financière résultat des augmentations des salaires des fonctionnaires des collectivités locales.» Cette augmentation sera prise en charge aussi sur le budget général de l'Etat. «La décision de revoir à la hausse les revenus mensuels des personnels des collectivités locales est certes satisfaisante. Cependant, force est de constater que son application augmenterait inévitablement le volume de la masse salariale qui grève déjà lourdement les budgets locaux, notamment avec la récente augmentation de 2006», souligne les rédacteurs du projet. Compte tenu de la conjoncture et de la précarité financière actuelle des collectivités locales qui se trouvent dans l'impossibilité de faire face à la nouvelle charge découlant des augmentations des salaires, «il est indispensable de dégager sur le budget de l'Etat une dotation financière pour faire face à cette nouvelle charge». Notons que ces deux mesures interviennent à la veille des élections locales, d'où leur importance. Selon les observateurs, le gouvernement veut garantir un climat sain afin d'éviter le scénario du 17 mai.