«Lorsqu'une fois le monde aura repris sa raison, reconquis son courage, vers quels lieux de la terre l'agresseur tournerait-il les yeux pour trouver des défenseurs? Invoquerait-il la justice? Il l'a violée. L'humanité? Il l'a foulée aux pieds. La foi jurée? Toutes ses entreprises ont commencé par le parjure.» Benjamin Constant (1767-1830) Le 20 janvier 2009, le président américain George W.Bush cèdera son fauteuil à son futur successeur à la Maison-Blanche. Entre-temps, au printemps 2008, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, prenant les devants, aura alors pris du recul par rapport aux affaires politiques. Aussi, dans les treize mois à venir, MM Bush et Poutine ne seront plus au pouvoir, même si l'on évoque pour Poutine une possible «reconversion» dans le poste de Premier ministre, qui tout en lui donnant de demeurer dans la périphérie du pouvoir, lui permettra de peaufiner son retour par la grande porte. Une coïncidence qui fait que les deux chefs des deux grandes puissances mondiales quittent le pouvoir à quelques mois d'intervalle. Toutefois, le départ de ces deux chefs d'Etat «hors normes» coïncide aussi avec des rendez-vous décisifs dans la vie internationale, particulièrement pour l'avenir de la paix. C'est que l'affrontement des deux grandes puissances sur des sujets de géostratégie, implique et entraîne le reste de la communauté internationale. La tension est visible et ne finit pas de s'amplifier ces derniers temps. Trois principaux dossiers attendent leur dénouement dans les mois, voire les semaines à venir, et sur lesquels la Maison-Blanche et le Kremlin qui ne démordent pas, ne laissent apparaître aucun signe d'apaisement: l'avenir du Kosovo; la question iranienne et le bouclier antimissile américain en Europe. Décembre est un rendez-vous fatidique pour la communauté internationale face à l'avenir du Kosovo. L'Amérique de Bush qui s'est engagée à reconnaître l'indépendance du Kosovo, même prononcée de façon unilatérale par les Kosovars, se heurte à l'intransigeance de Moscou quant au maintien du statu-quo avec un Kosovo toujours dans le giron serbe. L'Union européenne, qui aurait pu peser sur les événements pour promouvoir une solution équitable, est elle-même fort divisée sur la question. Si des pays comme l'Espagne, la Grèce,...pour des raisons évidentes, voient d'un mauvais oeil la naissance d'un Etat du Kosovo libre, ce qui pourrait donner des idées à leurs propres séparatistes, le reste des pays de l'Union souhaitent en finir avec les velléités hégémonistes de la Serbie sur les Balkans d'une manière générale. L'UE sait que la construction d'une Europe unie et pacifiée définitivement, dépend de la stabilité du carré balkanique. Face une telle situation, Bush et Poutine sont engagés dans un autre duel dont le terrain est toujours l'Europe: le bouclier antimissile. Jusqu'à la semaine dernière, Russes et Américains sont restés sur leurs positions inconciliables, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice et son collègue de la Défense, Robert Gates, venus à Moscou pour trouver un consensus s'en sont retournés les mains vides. Restant ferme sur ses positions, Vladimir Poutine ne cesse de répéter que l'installation du bouclier antimissile en Tchéquie et en Pologne n'a rien à voir avec le risque supposé d'attaques iraniennes, et postule à d'autres objectifs à tout le moins inavouables, alors qu'avec la complicité des Européens, George W.Bush poursuit imperturbablement un projet dont les zones d'ombre restent nombreuses. Poutine a tenté d'enfermer Bush dans sa propre logique en lui proposant l'ex-base soviétique située en Azerbaïdjan pour installer, en coopération avec Moscou, le-dit bouclier tout près des frontières iraniennes, si tant est que la raison d'un tel projet est d'avoir un oeil sur l'Iran. Lors de leur séjour moscovite, la semaine dernière, Mme Rice et M.Gates ont donné la réponse officielle de la Maison-Blanche -un refus catégorique- à la proposition alternative de la Russie. C'est à l'occasion de cette même visite que le président russe a, de son côté, renouvelé son opposition, nette et catégorique, quant à une éventuelle attaque militaire contre l'Iran. Il a réaffirmé qu'il n'y a aucune preuve que Téhéran cherche à se doter de l'arme atomique, que les autorités iraniennes coopèrent pleinement avec les inspecteurs de l'Aiea...Autant dire que l'on est loin de tout espoir de rapprochement. Le problème est que ces oppositions entre Russes et Américains se passent sur le terrain européen. A telle enseigne que les Nations unies et leur Conseil de sécurité (où justement la Russie peut user de son droit de veto) sont out. Toutefois, les USA de l'administration Bush sont prêts à ignorer l'instance onusienne et la communauté internationale pour assouvir leurs desseins, n'hésitant pas à renouveler le précédent dramatique qui a plongé l'Irak dans l'inconnu. Dans ce bras de fer, et s'engouffrant dans cette logique jusqu'au-boutiste, Vladimir Poutine a annoncé au printemps dernier que son pays se retirera, en fin novembre, du traité sur les forces conventionnelles européennes (FCE). Il fera ainsi fi d'un engagement international de la Russie, répondant du tac au tac à «l'illégalisme» américain. L'Europe, prise en tenailles entre ses options pro-américaines (France, Pologne, Tchéquie, Grande-Bretagne...) et ses intérêts économiques en Russie, notamment sa dépendance énergétique vis-à-vis du gaz russe, vit le grand écart. Aussi, l'année qui s'annonce est-elle annonciatrice d'une nouvelle donne internationale qui redessinera sans doute bien des alliances et contre-alliances.