Dépositaires d'un héritage fabuleux de plusieurs siècles, les zaouias sont aptes à relever le défi. «Le front par terre...47 ans après l'indépendance, les Algériens sont soumis...les dirigés prient un Dieu qui n'est pas élu au suffrage universel». Ces propos ne sont pas écrits par un marxiste-léniniste durant les années de gloire du matérialisme historique, mais bel et bien commis par un Algérien, en 2007, c'est-à-dire près de 20 ans après la chute du bloc soviétique. Ce n'est pas un acte isolé, car il sont nombreux à croire que l'irrévérence envers l'acte religieux est synonyme de liberté et de modernité. Dans un pays ravagé par tous les excès, dont l'extrémisme religieux ce genre de comportement apporté plutôt de l'eau au moulin des adeptes de Takfir wal hidjra et permet aux «extrémistes intégristes» de se placer en victimes. Conditions sociales défavorables aidant, les prêcheurs salafistes construisent leurs discours enflammés et n'ont aucune peine à conditionner facilement des centaines de jeunes gagnés par l'euphorie religieuse comme cela s'est produit récemment à Constantine, Batna, Alger, Boumerdès Bouira et Blida. Pour les recruteurs des maquis, le terrain est encore fertile et les ingrédients sont disponibles. Ils sont autant servis par les conditions d'injustice multiformes dans tous les domaines de la vie, que par ces écrits de pseudo-démocrates installés confortablement en Europe et appellent indirectement le peuple à se révolter. Ils sont servis aussi, et il est regrettable de le dire, par le manque flagrant de conviction chez un grand nombre de chouyoukh mobilisés afin de défendre la voie du juste milieu prônée par l'Islam. La plupart ne maîtrisant pas les langues étrangères, dénués d'une vraie culture générale et n'ayant aucun rapport avec la communication et ses exigences, ils n'arrivent pas à faire entendre leur voix, malgré leur bonne volonté et leur dévouement. Débarrasser l'Islam de ces fausses interprétations qui l'assimilent au terrorisme n'est pas une mince affaire, mais cela est aussi stratégique pour la lutte contre les groupes terroristes. En Arabie Saoudite, ce paramètre a été pris en charge par des oulémas aux compétences avérées. Et cela a donné de bons résultats. En Egypte, c'est la puissante confrérie des «Frères musulmans» qui vient de s'engager dans cette voie pour appeler les jeunes Egyptiens à ne pas suivre le discours extrémiste. En Algérie, tout reste à faire. Des millions d'Algériens souhaitent toujours que les oulémas bien imprégnés des réalités d'aujourd'hui et communicateurs virtuoses s'engagent résolument dans cette voie pour produire un discours anti-extrémiste crédible. Eh oui, le mot est dit! Il s'agit d'un élément très important, la crédibilité d'un imam ou d'un savant musulman. La lutte idéologique contre le terrorisme et ses penseurs ne doit pas être considérée comme la cinquième roue de la charrette. Elle doit être menée par des érudits. Ce ne sont pas les références et les textes qui manquent. Dans ce cadre, l'université des sciences islamiques aurait dû occuper le devant de la scène et tenir le premier rôle en diffusant un Islam éclairé et sans bavures. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, elle n'a pas été seulement paralysée, mais parfois elle est devenue otage de luttes sans fin entre courants et même un terrain favorable aux salafistes. Pour pallier un peu à ce déficit, le chef de l'Etat avait bien compris qu'il fallait faire appel aux zaouias très longtemps marginalisées. Dépositaires d'un héritage fabuleux de plusieurs siècles, les zaouias sont aptes à relever le défi, pourvu qu'on leur donne les moyens nécessaires. Il suffit de ne pas commettre l'erreur de vouloir les instrumentaliser à des desseins politiques et partisans. Les zaouias constituent un patrimoine qui appartient à l'ensemble des Algériens. Le savoir qu'elles renferment a besoin d'être réactualisé et mis à la disposition de tous les intellectuels intéressés à s'engager dans la lutte idéologique contre les penseurs du «takfir». Le savoir avant l'action, c'est le principe immuable du Saint Coran. Mais le discours extrémiste a inversé ce principe de base et ce fut la catastrophe induite par la démission des gens de religion les plus aptes à dire le vrai Islam et à contrer les fantasmes de charlatans et d'extrémistes autoproclamés «diseurs de vérité».