Le film La Bataille d'Alger a fait école dans le monde entier, et il est devenu un outil didactique pour les militaires dans la guérilla urbaine. Avant le débarquement de l'armée américaine en Irak, le 27 août 2003, des membre de la CIA et du Pentagone ont été dépêchés à Alger. But de la mission: rencontrer un des personnages clés de la bataille d'Alger, le héros, ancien colonel du FLN, chef historique de la Zone Autonome d'Alger, résistant contre le colonialisme français, acteur sur le terrain et dans le film, Yacef Saâdi. Objectif principal recherché: comprendre le b.a.-ba de la guérilla urbaine. Une rencontre et un long entretien a eu lieu avec l'acteur de La bataille d'Alger. Ils voulaient comprendre les techniques et les secrets des combats en petits groupes, mobiles et flexibles, pratiquant une guerre de harcèlement et d'embuscades. Yacef Saâdi affirme avoir averti les émissaires américains du risque que leur armée court en Irak. Revenant sur les circonstances de cette rencontre avec les émissaires américains, le héros de la bataille d'Alger raconte: «L'ex-ambassadrice américaine à Alger, Janet Sandesrson, m'a envoyé deux hommes que j'ai confondus avec des journalistes américains, mais au fil des questions, je me suis rendu compte qu'il s'agissait de membres des services de renseignements» raconte Yacef Saâdi. Qu'a-t-il dit alors aux Américains? «Ma réponse était toute simple: je leur ai dit que toutes les armées du monde réunies, y compris le Pentagone, ne peuvent venir à bout d'un peuple qui se veut maître de sa destinée», ajoutant «la fumée n'effraie que ceux qui allument le feu, et c'est cette fumée qui vous chassera une fois que vous aurez allumé le feu». Mais le plan américain était déjà ficelé et les responsables US ne s'étaient pas attardés aux propos de Yacef. Beaucoup de sang a coulé depuis dans les rues et sous les ponts de Baghdad. Quatre années après l'invasion de l'Irak, la situation est des plus catastrophiques pour l'armée américaine. Elle semble rééditer le scénario vietnamien. Pour le colonel de la Zone Autonome d'Alger, il n'y a pas de parallèle à faire entre la guerre d'Algérie et les autres guérillas urbaines. «La nature du colonialisme est différente, dit-il, chez nous, c'est un colonialisme de peuplement alors qu'ailleurs, il est superficiel, ce qui fait que même les techniques de bataille sont différentes». Depuis Mao Zedong et Che Guevara, Abdelkrim El Khattabi et Thomas Edward Lawrence, les tactiques de guérilla demeurent une des plus anciennes formes de guerre dissymétrique du faible contre le fort. Contrairement au terrorisme, elles ne visent pas les civils. Dans ce domaine précis de la guérilla, le film La Bataille d'Alger a fait école dans le monde entier, notamment dans les universités et autres écoles de cinéma. Cette oeuvre cinématographique a été projetée à l'auditorium du Pentagone en présence de nombreux militaires de l'armée américaine, d'officiers d'état-major et d'éléments de la CIA. Une projection militairement didactique où des instructeurs militaires ont tenté d'expliquer à leurs collègues les secrets de la guérilla urbaine. C'est en quelque sorte une transposition du virtuel vers le réel, puisque le premier écueil de l'armée américaine en Irak sera justement la non-maîtrise des techniques de la guerre urbaine.