La France est-elle en train de corriger son passé ? Cette option n'est pas à écarter quand on apprend que le général Marcel Bigeard, ancien chef des parachutistes, lors de la fameuse Bataille d'Alger, aujourd'hui général à la retraite, a l'intention de se rendre à Alger pour se recueillir au monument des martyrs. L'ancien chef du 3e Régiment de parachutistes coloniaux (RPC) souhaite faire ce geste symbolique pour rendre un hommage à Larbi Ben M'hidi, chef de la Zone autonome d'Alger et membre du CCE (Comité de coordination et d'exécution). En effet, Bigeard, qui avait passé plus d'une semaine avec Ben M'hidi dans son bureau avant de le confier, involontairement, à ses bourreaux, avait discuté pendant plus de deux heures et établi des rapports assez privilégiés avec le prisonnier précieux et découvert un personnage intéressant, doué d'une grande intelligence et d'une vaste culture. Bigeard, qui avait considéré injuste sa mort à l'époque, avait même rendu les honneurs militaires devant la dépouille de Larbi Ben M'hidi, ce qui avait déplu au commandant «O», Paul Aussaresses qui avait, dans son livre, avoué être l'auteur de ce meurtre. La visite de Bigeard en Algérie est un projet qui date d'un an. A l'époque Mme Hassani Drifa, la soeur de Ben M'hidi, qui avait été la seule à s'élever contre les révélations d'Aussaresses, avait établi une correspondance régulière avec l'ancien chef parachutiste et l'idée d'un déplacement à Alger a alors germé. Il coïncidera avec la sortie prochainement du dernier livre de Bigeard et qui, selon ses éditeurs, répondra d'une manière systématique au livre d'Aussaresses. La soeur de Ben M'hidi a alors pris attache avec la présidence de la République, pour avoir l'aval des autorités algériennes et faire de cette visite controversée une symbolique de paix au service de l'Histoire. Mme Hassani Drifa a déclaré qu'elle est favorable à la venue du général Bigeard à condition que celui-ci dénonce officiellement et au nom du gouvernement français toutes les atrocités commises durant la Guerre d'Algérie. La soeur du martyr de la Révolution veut, par cette initiative, faire un pas vers la paix, car elle considère que Bigeard n'est pas responsable de la mort de son frère et qu'il avait pour lui beaucoup de respect et d'indulgence, et qu'elle considèe, en revanche, Aussaresses comme le véritable bourreau des Algériens. Mais cette venue, plus médiatique qu'historique, risque d'être récupérée à des fins purement commerciales, puisque le directeur de Paris Match et le directeur des éditions du Rocher éditeur du livre du général Bigeard ont pris contact avec l'ambassade d'Algérie pour éventuellement se faire délivrer les visas nécessaires à ce déplacement sensible et risqué. Quoi qu'il en soit, cette visite, si elle venait à se confirmer, remuera le couteau dans une plaie encore mal cicatrisée, pour de nombreux rescapés de cette «sale» guerre. Parmi eux, Ighilahriz Louisette, qui garde encore le souvenir de sévices qu'elle avait subis alors qu'elle n'avait que 20 ans. Elle accuse ouvertement Bigeard d'en être le principal responsable.