«Dès que ces vaches sortent du port, l'Etat ne suit plus leur cheminement. Il n'y a jamais eu de contrôle.» La crise du lait que vit actuellement l'Algérie est loin de connaître son épilogue. Un nouvel élément, d'une gravité extrême celui-là, ayant contribué à l'exacerbation de la crise, vient d'être ajouté à la pléthore existant déjà: les vaches laitières et les génisses importées à des coûts astronomiques, vont droit aux abattoirs. Cette révélation a été faite hier par le président de l'Association des éleveurs bovins, à Bordj Bou Arréridj, M.Khetal Mehdi, en marge de la journée d'étude animée par un groupe d'experts néerlandais, et consacrée au développement du secteur laitier en Algérie. Une déclaration qui vient accentuer la polémique sur l'origine de la crise du lait qui secoue l'Algérie depuis plusieurs mois déjà. Mais pourquoi les vaches laitières connaissen un tel sort? «C'est parce que les éleveurs algériens n'ont pas les moyens nécessaires pour l'élevage de ces vaches», estime M.Khetal. Pis encore, il précise que le coût d'une vache destinée à la production du lait sur les marchés locaux, est moins élevé que celui de celle destinée à la consommation. La problématique s'avère d'une extrême profondeur, d'autant plus que l'Algérie consacre des sommes gigantesques pour l'importation de la viande, fraîche, soit-elle congelée. L'ambassadrice du Royaume des Pays-Bas en Algérie, Mme Marianne Vaes, quant à elle, expose un autre problème qui explique clairement pourquoi les éleveurs algériens recourent aux abattoirs. En effet, en Algérie les vaches laitières importées de Hollande ne produisent pas une quantité aussi importante de lait, qu'elles n'en produisent dans leur pays d'origine. «Cela s'explique par la conjonction de plusieurs facteurs: vous avez tout d'abord la qualité des aliments que les éleveurs algériens donnent aux vaches laitières. Lesquels aliments ne disposent pas de la même qualité, voire de la quantité de vitamines qu'on leur donne en Hollande», explique Mme Vaes. A cela, notre interlocutrice ajoute les conditions dans lesquelles ces vaches sont placées, notamment les étables qui sont loin, très loin, de répondre aux normes internationales admises de l'élevage. Toutefois, cet argument suffit-il pour expliquer «l'expédition» des vaches laitières aux abattoirs? «Non et mille fois non», s'insurge M.Khetal. Comment? «Dès que ces vaches sortent du port, l'Etat ne suit plus le cheminement qu'elles prennent. Il n'y a jamais eu de contrôle. Personne ne va demander des comptes aux éleveurs, alors qu'ailleurs, les fermes destinées à l'élevage des vaches laitières et des génisses, subissent des contrôles méticuleux», souligne notre interlocuteur. Pourtant, le coût de ces bovins sur les marchés internationaux connaît une augmentation quasi exponentielle. En Europe, leur prix oscille entre 1200 et 1500 euros. Or, en France (les vaches sont réputées pour leur qualité), les prix atteignent 2000 euros. Une simple opération arithmétique: le coût moyen d'une vache importée est de 20 millions de centimes, ajoutons les frais de dédouanement, et ceux du transport, on obtient le chiffre de 250.000DA, soit 25 millions de centimes. «Le coût est trop élevé pour qu'un simple éleveur algérien puisse le supporter», s'exclame M.Khetal. A des prix pareils, on se permet d'envoyer les vaches laitières aux abattoirs, alors que le citoyen algérien lui, n'est pas à l'abri d'une augmentation imminente du prix du sachet de lait! Pour remédier à cette crise, le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, parle d'une éventuelle importation de 100.000 vaches. Son collègue, Saïd Barkat, ministre de l'Agriculture et du Développement rural, lui, triple le chiffre: «Nous importerons 300.000 vaches laitières avec une productivité de 4000 litres/vache/an.» Les experts hollandais estiment que ces chiffres dépassent le seuil optimal. Et les Néerlandais savent de quoi ils parlent: «statistiquement impossible», explique nombre d'entre eux. Ces experts se basent sur la demande en vaches laitières sur les marchés mondiaux, qui dépasse de loin l'offre. «De toute manière, la Hollande est incapable de répondre à une demande pareille», affirme l'ambassadrice du Royaume des Pays-Bas en Algérie, Mme Marianne Vaes. Néanmoins, pour venir à bout de cette crise, les experts néerlandais qui ont déjà visité certaines fermes sur le territoire national, et sur la base des informations qui leur ont été transmises par les ministères du Commerce et celui de l'Agriculture, préconisent plusieurs solutions. Ils estiment qu'il faut tout d'abord augmenter le nombre de vaches par des importations et les placer dans des conditions appropriées; une meilleure génétique, par l'utilisation de l'insémination artificielle à partir du taureau jeune du grand Groupes international d'association d'élevage. Aussi, faut-il appliquer ce procédé à toutes les vaches laitières du pays? Par ailleurs, interpellé en marge de la journée d'étude tenue par les Néerlandais, le directeur de l'Office national interprofessionnel du lait (Onil), M.Benyoucef, s'est contenté d'affirmer: «Notre organisme a mis en place un programme pour la subvention de l'importation des vaches.» Cela est, en somme, perçu comme une solution idoine à la crise du lait qui pointe, d'ores et déjà, à l'horizon, à condition de ne pas mettre les vaches entre les mains des bourreaux!