Ces patients ne doivent pas être perçus comme personnes atteintes de démence. Les Algériens souffrent de plus en plus de maladies psychiques. Cette «vérité», on ne peut plus âpre, a été réitérée, ce jeudi, par les participants au Congrès international de psychiatrie d'Alger. Ces derniers, se basant sur une étude suisse, indiquent que près de deux millions d'Algériens nécessitent des soins psychiatriques. Selon Nicolas Sartorius, épidémiologiste psychiatrique suisse, qui se réfère aux résultats de la même étude, 3 à 7% de la population doivent bénéficier d'un traitement psychiatrique. A observer ces taux, l'on est forcé de dire que les Algériens ne cessent d'être menacés par des maladies psychiques nécessitant une prise en charge immédiate. Il faut préciser que «les personnes souffrant de maladies psychiques» ne doivent pas forcément être définies en tant que personnes atteintes de démence, comme l'entend le commun des citoyens. Car parmi ces malades, il y a des épileptiques, des névrotiques, des dépressifs, des psychotiques...Selon les spécialistes, le climat social délétère, conjugué à la tragédie nationale qu'a traversée le pays, auraient été pour beaucoup dans l'aggravation de la situation. Il faut dire que jusqu'à présent, aucun recensement du nombre de personnes ayant subi des traumatismes psychologiques et/ou psychiques aigus, lors de la tragédie nationale, n'a été établi. A défaut d'une prise en charge, qui aurait évité plusieurs victimes de sombrer dans la «folie» (pour reprendre le terme populaire), le nombre des personnes atteintes de maladies mentales ne fait qu'augmenter, notamment ces dernières années. A en croire le professeur Nicolas Sartorius, les chiffres de l'étude suisse restent «modérés» par rapport à ceux donnés par une étude américaine, estimant entre 10 et 12% de la population souffrant de maladies mentales en Algérie. Une enquête menée, l'année dernière, par le Programme national de santé mentale, au ministère de la Santé, parle de 0,5% de la population présentant des pathologies psychiatriques. Les spécialistes algériens évaluent le nombre de personnes atteintes de maladies mentales, à 150.000 cas, dont 26.000 ont été recensés en 2005. Néanmoins, dans la plupart des cas, les chiffres recensés par les enquêteurs, algériens ou étrangers, sont loin de refléter la réalité du terrain. Et pour cause: la maladie mentale demeure encore un tabou, donc on évite d'en parler. «Beaucoup de malades ne sont pas déclarés par leurs familles en raison des tabous ou simplement par ignorance, pensant qu'ils sont condamnés», a souligné le Pr Sartorius, en relevant «le laxisme des pouvoirs publics pour investir dans la mise en place d'une véritable politique de santé mentale» en Algérie. «Il est faux de croire que les malades mentaux sont irrécupérables et qu'investir dans la santé mentale, c'est gaspiller de l'argent.» C'est justement ce qui fait défaut. Ainsi, à voir le nombre de «fous», qui errent dans nos villes et qui, de surcroît, représentent un danger pour la société, la donne selon laquelle l'Etat ne prend plus en charge cette frange de la société, se confirme davantage. Il est sans doute important de relever que le nombre d'asiles psychiatriques dont dispose l'Algérie, se compte sur les doigts d'une seule main. Pis encore, les résultats de l'enquête menée par le Programme national de santé mentale, font état, qu'en Algérie il y a 1,43 lit pour 10.000 habitants, 1,13 psychiatre pour 100.000 habitants et 6,44 infirmiers spécialisés en psychiatrie pour 100 000 habitants. Il est donc urgent de prendre ce problème à bras-le-corps en prescrivant des mesures nécessaires à même de diminuer la portée de ce phénomène.