Leur restauration risque de ne jamais avoir lieu. La ville d'Oran vit, ces dernières années, au rythme des effondrements de bâtisses. Les bilans sont effrayants. Ainsi, depuis le début de l'année, on a enregistré au total 190 effondrements, dont 19 ont été causés par les dernières intempéries. Des bilans qui renseignent sur la vétusté très avancée des bâtiments. Lors de sa dernière session, l'APW d'Oran, semble-t-il, a décidé de prendre les choses en main. Le wali d'Oran a annoncé la restauration de 200 bâtisses qui menacent de s'effondrer. Un nombre insignifiant au vu des 1900 immeubles qui menacent ruine à tout moment. Leur restauration risque de ne jamais avoir lieu, car plusieurs centaines des bâtisses concernées relèvent des biens privés. La situation est grave. La délivrance des arrêtés de péril destinés aux habitations menaçant ruine connaît des restrictions. C'est du ressort de la commune. Cette dernière veut bien mettre de l'ordre dans la gestion du vieux bâti. Devant l'ampleur de la situation, un tel objectif ne peut se concrétiser aisément. D'autant qu'à ce jour, il y a absence d'une banque de données fiables. L'installation d'une telle cellule obéit à l'optique de mettre fin aux arrêtés de complaisance qui sont délivrés par les services techniques des secteurs urbains. L'hiver est à nos portes. Une saison qui connaît de grands changements climatiques. Les fortes pluies de la semaine dernière sont révélatrices. La vulnérabilité des bâtisses a fait fuir plusieurs familles qui ont préféré passer la nuit à la belle étoile que d'être surprises et ensevelies par d'éventuels effondrements. A partir du Front de Mer, le Fort Santa Cruz et sa chapelle sont les seuls chefs-d'oeuvre de la capitale de l'Ouest qui offrent une image réconfortante. Une carte postale, pas plus, malheureusement. Mais Oran n'est plus cette belle carte postale aux couleurs chatoyantes. Derrière le Front de Mer, il y a le front de la misère. Le vieux bâti. Ainsi, des centaines de familles sont menacées de vivre dans la rue. Des centaines, voire des milliers d'habitations menacent ruine. Des quartiers de la ville, comme Derb, Plateau, Sid El Houari, Bel Air, Saint Eugène, Carteaux, Torro, Boulanger, El Hamri, Gambetta, sont sévèrement touchés. Hommes, femmes, enfants, vieillards, invalides et malades se nourrissent, dorment et se lavent dans la rue au moindre changement climatique. Une situation qui s'aggrave et s'accentue de manière alarmante pendant l'hiver. Chaque jour, une catastrophe, plus ou moins grave, surprend plus d'un. Cela peut être un effondrement partiel de toiture, d'escaliers, de murs ou de balcons. Aussi des pertes humaines sont enregistrées. Une belle nuit de printemps de 2004, un craquement sourd a causé un décès à Bel Air: un immeuble croule comme un château de cartes. Les habitations qui s'effondrent brisent inexorablement des vies humaines. La liste est longue...Les rescapés, quant à eux, sont en sursis et attendent leur tour. Plusieurs familles vivent le calvaire au quotidien. Considéré comme un quartier populaire, aucun développement n'est perceptible à ce niveau. El Hamri est composé d'habitations qui connaissent des signes de délabrement très avancé, un désastre qui hante de manière permanente les 10 familles occupant le haouch du 54, rue Chaâ-Abdelkader. Les murs sont lézardés. Les plafonds aussi, le plancher ne diffère pas beaucoup d'un enclos à bétail. Des assemblages qui tiennent à peu près. Au moindre vent, à la moindre pluie, les 10 familles fuient. «Seule la rue nous est salvatrice», ont déploré plusieurs responsables de famille rencontrés. D'autres dénoncent: «La Houkouma n'est pas capable de nous porter secours malgré les arrêtés de péril qu'on nous a délivrés. Nous risquons le pire.» Les maladies font rage: le diabète, l'asthme et l'hypertension sont notre lot quotidien. Le même scénario est perceptible à Derb, l'ancien quartier juif- un labyrinthe, plutôt un quartier de la mort. Plusieurs familles côtoient la mort au quotidien. La rue Monthabord (Derb) est désormais appelée «la rue de la mort». Quatre personnes ont trouvé la mort lors d'un effondrement survenu il y a peu de temps. Le recours à la tente est, pendant l'hiver, inévitable. A la tombée de la nuit, une vive détresse s'empare des habitants. L'angoisse des effondrements gagne davantage les esprits, surtout que ce quartier a eu son lot de décès. Les effondrements partiels sont courants. A cela s'ajoute le spectre des tremblements de terre qui hante les esprits sachant que nos habitations ne sont pas antisismiques. Les sismologues et les spécialistes de l'urbanisme sont unanimes à dire que les grandes métropoles ne résisteront pas aux secousses de grande magnitude. Alger, Oran ou Constantine sont constituées à 80% de vieux bâti, des bâtisses sont vulnérables, y compris les constructions dites modernes. Celles-ci sont disséminées de manière anarchique. Le séisme qui a frappé Boumerdès le 21 mai 2003 en est l'exemple concret. Et l'activité sismique est quasi permanente ces dernières années. L'Algérie est confrontée à un sérieux problème. En plus du vieux bâti, la protection antisismique ouvre un autre débat. Il faut dire que seules deux études ont été établies, entreprises par la wilaya d'Alger. Par ailleurs, trois autres wilayas, Oran, Annaba, Constantine, ont exprimé une demande afin de diagnostiquer leur vieux bâti, bâti qui occupe 80% des espaces de ces wilayas.