La ville, deux jours après, a encore «la gueule de bois». Dans un lourd climat fait d'angoisse, de colère et d'amertume, la population fait le décompte de la tragédie de ces derniers jours. Au même moment, la Cadc rend publique une déclaration adoptée aux Ath Djennad, vendredi dernier. Réunie en conclave extraordinaire dans la localité de Fréha, aux Ath Djennad, la Cadc de la wilaya de Tizi Ouzou est longuement revenue, dans une déclaration rendue publique, sur la marche de jeudi dernier. Ainsi, elle souligne l'adhésion de la population à cette action, malgré «les barrages qui paraissaient infranchissables et le climat de terreur instauré dans la région». La Cadc évoque, à ce propos, «les descentes punitives, les pillages, le saccage d'infrastructures éducatives, les perquisitions dans les domiciles des délégués, les enlèvements et surtout l'utilisation de balles réelles». Pour la Coordination, «le pouvoir (qualifié de mafieux et d'assassin) opte pour la stratégie de pourrissement» et précise que «tous les ingrédients sont réunis: intimidations, harcèlements, enlèvements». Elle pense qu'«il s'agit là d'une panique indescriptible qui s'est emparée du pouvoir». Et d'ajouter qu'il y a là une volonté manifeste de faire régner la terreur afin d'amener les délégués à «renier un principe cher au mouvement citoyen, à savoir le caractère pacifique de la lutte ou l'abdication». Aussi, la Cadc affirme que «tous les représentants légitimes de la population optent pour la sérénité et continuent le combat pacifiquement». De même, la déclaration de la Cadc se dit «plus que jamais déterminée à rejeter des élections qui ne servent que d'alibi démocratique à ce pouvoir en... danger de citoyenneté». Enfin, lors de ce conclave, la Cadc a opté pour un appel à la grève pour aujourd'hui et demain. Comme elle appelle les villages et les quartiers à tenir des assemblées générales et à appuyer la campagne afin de sensibiliser les citoyens sur ce qui se passe en Kabylie. A Tassaft, un manifestant, Yousfi Azzedine (35 ans), marié et père de deux enfants en bas âge, a été atteint mortellement par un projectile à la tête, certaines sources affirment qu'il aurait été touché par une balle réelle, alors que d'autres prétendent qu'il s'agit d'une balle en caoutchouc. Toujours est-il que la victime a rendu l'âme, lors de son transfert au CHU de Tizi Ouzou. A Boudjima, une région au nord du chef-lieu de wilaya, des gendarmes, appelés en renfort durant les émeutes qui y ont éclaté, ont commencé par «saccager une salle de jeu privée» avant de «réprimer brutalement les émeutiers» ; une source parle même de «trois blessés graves». Les émeutes ont également repris à Larbaâ Nath-Irathen. La ville de Tizi Ouzou, deux jours après le jeudi noir, a encore «la gueule de bois» des escarmouches qui ont opposé les manifestants aux URS. Les commerces de l'avenue principale et de la rue Lamali ont baissé rideau... L'angoisse est de nouveau dans les coeurs. Tout le monde a peur de la grève de deux jours qui commence aujourd'hui et prie pour que «les choses se passent sans casse». L'APW de Tizi Ouzou a, devant l'escalade dangereuse de la violence en Kabylie, réactivé la cellule de crise installée lors des événements du printemps noir et demande aux citoyens de l'informer de «tout dépassement et de toute exaction». Une séance publique de la session extraordinaire est prévue pour le 6 avril à 10h. elle permettra de débattre de la situation que vit la région.