La ville de Taghit vit ces jours-ci à une cadence inhabituelle qui la fait sortir de sa torpeur. Le Festival du film du court métrage de Taghit a atteint son rythme de croisière. Entre projections de films en compétition, panorama du film étranger et «leçon de cinéma», le festival permet aussi aux participants de se familiariser avec le grand écran, le soir venu en assurant la projection de plusieurs films grâce aux cinébus du Cnca. Les après-midi drainent de plus en plus de monde sous la khaïma, «salle de cinéma» improvisée, où les conditions de projection ne sont parfois pas aux rendez-vous. Quoi qu'il en soit, la ville de Taghit vit à une cadence inhabituelle qui la fait sortir de la torpeur, dans laquelle elle est plongée le reste de l'année. Des jeunes et moins jeunes prennent souvent d'assaut cette khaïma qui se transforme, hélas, en étuve. Cependant, rien ne remplace cet intérêt affiché pour le cinéma eu égard à la multiplicité des questions posées, même parfois naïves émanant de certains. S'agissant des courts métrages en compétition, on retiendra quelques-uns qui sortent du lot de par la finesse du thème traité et la qualité du montage. Le quotidien des automates en est l'exemple patent. Saleh Abdelghani a réussi dans son film d'animation à capter notre regard de par ses images réalisées en photoshop. Métaphore de la routine humaine, ce film nous plonge avec des couleurs et de l'humour dans ces gestes redondants qu'on ne cesse inlassablement d'exécuter chaque jour. Au-delà du sujet, c'est la forme qui prime dans ce court métrage qui se distingue des autres, par une fraîcheur certaine. Un autre court métrage qui vous prend aux tripes est Eclipse totale de Yacine Belhadj. C'est l'histoire, si on peut dire d'un amnésique qui se sert d'un jeu associant le visuel et l'auditif pour parvenir à un souvenir essentiel qui l'a marqué dans sa jeunesse. Un film remarquable dont les images surréalistes sont rehaussées d'une musique bouleversante. Voila un court métrage qui apporte un regard sensible et original sur le monde. Un film sombre, onirique et poètique qui se distingue nettement des autres oeuvres «télé» qui jusque-là font rire ou pleurer sur le moment sans pour autant invoquer un long débat et une longue méditation. Autre film court à avoir soulevé moult interrogations est celui de Karim Moussaoui, Ce qu'on doit faire. Un film qui se base sur la symbolique pour interroger l'ambiguïté de la vie et ses complexités, autrement dit ce qui est juste ou pas, licite ou pas, autorisé ou pas...Et de nous amener à se remettre sans cesse en question. Ce film a soulevé la problématique de la frontière qui peut séparer le réel de la fiction dans une oeuvre, quand l'auteur ne veut pas se conformer aux idées préconçues mais cherche «par respect au spectateur à le déranger». Voila une nouvelle génération de scénaristes qui osent dire ce qu'ils pensent! Et c'est tant mieux. Cela nous rappelle le passionné Mohamed Yargui qui concourt avec ses deux courts métrages:Houria et Au bout du tunnel. Ce garçon a de l'avenir car bourré d'idées et d'audace. Il finira aussi par arracher à Yasmine Chouikh, la directrice artistique du festival la promesse de mettre en place, à la prochaine édition, des ateliers d'apprentissage aux métiers du cinéma. En hors compétition, deux films ont été présentés durant la soirée de jeudi. D'abord El Bab de Yasmine Chouikh. Ce dernier décrit, sous un angle original, la condition féminine. Dans un univers clos, une lumière caresse les rêves de Samia. Celle-ci ne peut sortir de chez elle, terrée comme un cafard, qui pourtant, lui, arrive à se faufiler sous les portes et se mêler au monde extérieur...Mais Samia n'a pas dit son dernier mot....Un autre film plein de sensibilité et de douceur est celui de l'Egyptien Amir Ramses. Pas comme les autres nous fait pénétrer dans la souffrance humaine de deux personnes perdues et désespérées. Sameh, jeune Egyptien atteint du sida, vit sa dernière nuit avec son amie intime, d'origine algérienne, qui rêve d'aller voir un jour ce pays qui lui est pourtant étranger. Les deux se racontent leurs secrets. Avec des plans serrés sur les visages, et une certaine lenteur, le film traduit cette phrase que l'auteur affiche comme un interstice: «Le temps dévore la vie». Un film aussi beau que triste car son acteur sait comment nous embarquer dans la «flouka» des sentiments les plus fragiles avec simplicité et authenticité. Un film qui prône l'altérité et la tolérance et raconté sous une forme esthétique des plus épurées. Voilà un futur Youcef Chahine, que cet Amir qui porte déjà le titre de noblesse dans son nom...Une raison sûre qui nous conforte dans notre présence à ce festival en dépit des heures de sommeil non retrouvées du fait de l'ensorceleuse Taghit, la mystérieuse oasis de Béchar. Un grand plateau artistique qui est animé dans cette merveilleuse oasis de Béchar par cheba Yamina et Houari Dauphin...Du divertissement pour ces jeunes avec des promesses de courts métrages encore meilleurs.