Surgies du passé, ces vieilles voitures ont tant de mémoire. Alors que nous sommes à bord de nos bolides et autres Suv modernes, nous ne les voyons presque pas. Or ils sont bien là, fiers, et obstinés à achever une carrière déjà consommée; ce sont les vieux tacots qui sillonnent encore nos routes et...autoroutes. Ces coucous d'un autre âge, à coups d'entretien, parviennent à demeurer vivaces et rendent encore de loyaux services, qu'ils soient entre les mains de chauffeurs de taxi, de marchands de légumes ou entre celles de collectionneurs passionnés. Ainsi, ces véhicules qui ne sont pas vraiment dans le coup continuent à faire parler d'eux, et roulent toujours. Comme les hommes, ces voitures peuvent avoir des histoires nobles, comme elles peuvent être simplement et outrageusement scandaleuses par leur offense aux normes de la circulation actuelle. Le mobile de leur existence varie selon les situations et le contexte de leur utilisation. A commencer donc par les collectionneurs, fins connaisseurs et épris de leur art et qui les brandissent comme un trophée. Dans ce cas, elles font office de mythes surgis du passé et suscitent l'admiration. Cet aspect de leur existence commence d'ailleurs à être effectivement valorisé en Algérie depuis moins de deux années. Car, désormais ce hobby a sa société d'érudits qui parviennent bon an mal an à organiser une manifestation inédite dénommée «Rétro Mobile»; une initiative dont est à l'origine M.Karim Ambarek, qui est également le responsable du Sicta (Salon international du contrôle technique automobile). Progressivement, l'événement semble rallier quelques professionnels de l'automobile qui ont pignon sur rue, notamment les concessionnaires qui y voient un indice de «culture automobile» certain et qui ne peut qu'être à l'honneur des Algériens qui en sont à l'origine. Aussi, Ford Algérie, par exemple, vient de saisir le coche, en faisant de cette activité un instrument marketing non négligeable. Puisqu'il a réussi à s'associer récemment à une pléiade de collectionneurs algérois qui ont présenté, au sein même de son showroom d'Hydra, le fruit de plusieurs années de travail. Ainsi l'héritage de Ford fut mis à l'honneur, avec des modèles beaux et qui n'ont rien perdu de leur charme. Et c'est pendant tout un mois qu'était revisitée l'histoire de l'automobile du constructeur américain, grâce au concours de nombreux passionnés qui ont prêté leur véhicule de collection pour la circonstance. Notons que nombre de ces véhicules anciens sont en parfait état de marche. Ainsi, plus de cent ans d'histoire ont été déroulés et le public fut utilement instruit du parcours de ce pionnier de l'industrie automobile qui a, le premier, réussi à instaurer une méthode scientifique de production et de travail dans ses usines, à savoir le taylorisme; d'où un succès retentissant qui lui aura permis d'étendre son process, outre les USA, en Asie et en Australie. En fait, beaucoup de visiteurs se sont rendus à ce salon de l'histoire du prestigieux constructeur américain dont les débuts remontent à 1903, avec son légendaire modèle T. Parmi les véhicules exposés citons la Ford Cortina 1966, la Pontiac, la Fiesta et la Mustang 1978 et 1980. Selon tous les collectionneurs avisés que nous avons pu approcher, l'entretien d'un modèle ancien n'est pas une sinécure. Selon eux, cela exige énormément de sacrifices, particulièrement financiers. De même qu'il requiert énormément d'espace, une denrée plutôt rare dans les villes, exiguës. Les collectionneurs arguent que trouver la pièce détachée propre à leur objet de collection est extrêmement aléatoire et que cette dernière ne descend que rarement sous le seuil des 5000 dinars quand elle est débusquée. D'autres, qui réussissent à se détacher de leur bien, basculent carrément dans le commerce et proposent leur oeuvre d'art à des tarifs qui dépassent un modèle de moyenne gamme sortant flambant neuf de chez un constructeur de renom. Ainsi, une ancienne Volkswagen (coccinelle) nous a été proposée relookée à souhait grâce à la technique du tunning à pas moins de 1, 5 million de centimes! Comme il arrive de voir ces véhicules anciens de type R8 ou Dauphine participer sans complexe à des compétions de rallye locales. Mais évoquer les tacots ne peut aller sans rappeler quelques anecdotes croustillantes les concernant. A commencer par leur grande capacité à échapper à certains critères du contrôle technique automobile imposé depuis peu au parc roulant national. A ce titre, l'on raconte qu'un agent de la circulation a essuyé une grande déconvenue en «osant» verbaliser une ancienne 404 datant de 1964 pour défaut de port de ceinture de sécurité. Le malheureux homme en uniforme fut tout bonnement contraint «par la force de la loi» à retirer son procès-verbal pour la bonne et simple raison que le port de la ceinture de sécurité ne peut être appliqué aux «rafiots» datant d'avant 1965. Mais les «gentilles» guimbardes peuvent tout aussi bien sombrer dans la délinquance; en atteste l'usage intempestif des vielles fourgonnettes Volkswagen dans le pillage du sable du littoral. Ces dernières, insoupçonnables et fortes de leur capacité de chargement, sont généralement utilisées de manière frauduleuse, c'est-à-dire sans papiers et cédées aux pilleurs à seulement quelque 20.000DA la location. Leur mission est de faciliter ensuite à leur acquéreur l'aventure de nuit sur les plages, c'est-à-dire le transport de sable marin. Le stratagème étant qu'en cas de course-poursuite par les forces de l'ordre, le contrevenant peut tout bonnement abandonner sa camionnette sans essuyer pour autant «trop de pertes». Ce type d'extravagances nocturnes fut aisément perceptible sur nos rives est-algéroises par exemple. Enfin les anecdotes ne manquent pas d'alimenter les conversations des initiés de ce monde particulier de l'automobile. Puisqu'il arrive que l'on rapporte des faits singuliers qui font état de quelques incroyables surenchères sur les prix de quelques pièces rares. Mais parler des vieux tacots ne va pas sans citer ces mordus de mécanique, qui parviennent à prolonger admirablement la vie des carrioles. Nacer est l'un d'eux. Pompier de son état, ce dernier a un jardin secret: désosser les anciens modèles, particulièrement de marque Volkswagen, qu'il recycle par la suite sous une coque plus récente. Son profil répond au nostalgique qui ne parvient pas à se défaire de ses anciennes amours. Puisque du temps où la voiture était plutôt un luxe pour nombre d'Algériens, il garde intact le souvenir de la Golf série une et autres Jetta et Passat, anciennes versions. Selon lui, rien ne vaut «la qualité» des anciens modèles. Et il nargue l'actuelle tendance des constructeurs automobiles à suréquiper leurs produits en options souvent superflues et à les gonfler de chevaux sans pour autant les doter de la solidité d'antan. Le coeur de Nacer frémit encore rien qu'à la vue d'une Mercedes 1952 ou une DS Pallas 1971-1972 qu'il lui arrive de croiser sur les routes de Rouiba (est d'Alger) ou sur les hauteurs d'Alger à Bouzaréah. Il pousse même la comparaison jusqu'à préférer une DS Sport deux portes à une actuelle BMW flambant neuf. Son argument: «Rien ne vaut la solidité des matériaux utilisés à l'époque!», non sans brandir l'autre raisonnement qui veut que l'on roule plus économiquement avec de l'ancien qu'avec du neuf...particulièrement lorsqu'il s'agit d'acquérir la pièce de rechange.