L'Etat doit trouver des issues à la crise des APC et prévoir un statut pour les maires dignes du poste. Il y a le fond et la forme. Et la «gestion des collectivités locales» n'y échappe pas. Au lendemain d'une campagne sans conviction et une élection pas trop enthousiasmante, l'on s'interroge, dès lors, sur le futur, plutôt l'actuel maire, ses aptitudes et ses prérogatives surtout. A la case départ figure un passif de «gestion» peu reluisant, du moins dans certaines localités. Dettes à couper le souffle, élus emprisonnés ou poursuivis en justice, 540 selon certains chiffres, champ d'intervention rétréci et gestion jugée souvent opaque. Toutes ces questions, pourtant si nécessaires au devenir des APC, ont été évitées, sinon traitées succinctement par les partis et les candidats aux élections du 29 novembre dernier. A l'exception des critiques lancées par Ahmed Ouyahia et Louisa Hanoune, respectivement secrétaire général du RND et du PT, les autres candidats usaient, faut-il le reconnaître, d'un langage très éloigné des attentes des électeurs. Des candidats et responsables de partis, en lice, développaient, alors, des idées carrément divergentes quant à la mise en marche de la locomotive de la «gestion» et de l'économique au niveau local. D'obédience manifestement libérale, Ahmed Ouyahia, patron du RND, pensait que tous les indicateurs sont au vert pour permettre à l'Algérie de «décoller», pour peu que «les décisions d'exécution soient réelles et efficaces». Il exige même d'attribuer aux maires les prérogatives nécessaires pour la réalisation des projets locaux. Faut-il reconnaître dans la foulée que les maires sont devenus presque de simples hauts fonctionnaires au sein des APC, puisque l'épicentre du pouvoir local se situe chez les walis-délégués (chefs de daïra). C'est pourquoi Ahmed Ouyahia, l'ex-chef de gouvernement, appelait, tout au long de la campagne, d'accorder désormais à «la décision locale» toute l'attention voulue pour aboutir à un développement réel, concret et efficace. Très à cheval sur les questions économiques, le patron du RND a été le premier à avoir prôné la décentralisation et le renforcement du pouvoir décisionnel des entités de base de l'Etat (les communes), dans le but de susciter une dynamique de compétitivité favorable au développement. Quant au budget de fonctionnement, effleurant au passage l'affaire liée aux dettes lourdes des collectivités, Ahmed Ouyahia a plaidé aussi en faveur de la réforme des finances locales du fait de «la dépendance des collectivités locales au budget de l'Etat». Se référant au modèle RND, le principe de mise en route est simple: «Consacrer cette mesure par l'adoption d'une loi permettant aux collectivités locales d'instituer et de collecter, à leur niveau, des impôts pour se procurer des ressources indispensables à leur développement.» Une sorte de démarche inspirée du modèle Sarkozy, en France, relatif à la nécessité d'associer davantage les collectivités locales à la réduction du déficit public. La question relative au budget de fonctionnement des APC est importante à plus d'un titre. Il y va de leur équilibre aussi bien au plan de la gestion que de leur santé financière, sans aller encore loin pour évoquer les magouilles et les malversations qui se font au sein des collectivités. Secret de Polichinelle. D'où les mille et une poursuites judiciaires engagées contre des élus. Un bon nombre de candidats et chefs de parti n'osaient pas évoquer cette question qui fâche. Ahmed Ouyahia est allé jusqu'à penser à des solutions, tandis que Louisa Hanoune, elle, a eu le courage de dénoncer. Certes, elle est diamétralement opposée aux idées libérales d'Ahmed Ouyahia, mais elle développe, faut-il le reconnaître, un discours qui, le moins que l'on puisse dire, est loin d'être une simple récitation de la théorie trotskiste. Fidèle à ses principes, Louisa Hanoune a usé d'un langage «plein de rigueur» à l'encontre des concepteurs de «la politique de fermeture des entreprises publiques et de l'asphyxie des collectivités». C'est une réponse éprouvée puisque réaliste parmi d'autres dans la mesure où ces mêmes entreprises constituent les premiers contribuables au profit des collectivités locales. Louisa Hanoune souligne, néanmoins, que «les communes ne peuvent pas à elles seules, résoudre les problèmes économiques et sociaux sans l'intervention de l'Etat». La campagne étant achevée, les élections ayant rendu leur verdict, c'est à l'Etat maintenant de prévoir aux maires un statut digne de leur poste. C'est à l'Etat de trouver également des issues, sans détour, à la crise des APC. Il y a véritablement crise en la demeure. Le discours ne suffit pas et la réforme des Codes communal et de wilaya devient une nécessité.