Des milliers d'étudiants ont battu le pavé de l'axe routier menant du campus de Targa Ouzemour au siège de la wilaya. Les étudiants de l'université Abderrahmane-Mira de Béjaïa sont descendus une nouvelle fois, hier, dans la rue dans un mouvement de protestation qui, visiblement, a beaucoup gagné en ampleur. Organisée par les cinq comités des résidences universitaires, cette troisième manifestation a été incontestablement mobilisatrice. Elle vient, en fait, en appui au mot d'ordre de grève qui entame sa deuxième semaine, parallèlement au blocage des accès des campus aussi bien pour le personnel que pour les cadres et les étudiants. En effet, ces derniers étaient, cette fois-ci, plus nombreux que la dernière fois. 3000, selon la police et 20.000, selon les organisateurs, à avoir battu le pavé de l'axe routier menant du campus de Targa Ouzemour au siège de la wilaya. Le boulevard faisant face à la wilaya a été occupé durant près de quatre heures (12h-17h), tel que cela a été décidé lors de l'assemblée générale tenue la veille. La marche, qui s'était ébranlée du campus de Targa Ouzemour, s'est déroulée dans une organisation parfaite et sans incident. Elle a porté pour l'essentiel sur les mêmes revendications formulées dès le lancement du mouvement de protestation avec sa plate-forme. Des revendications liées à la pédagogie et aux conditions de vie dans les cités universitaires. Formée de cinq carrés mixtes, représentant les cinq résidences universitaires de Béjaïa, les étudiants en procession brandissaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «non à la vie chère, revalorisation de la bourse universitaire», etc. Menée avec rigueur par les organisateurs, en procession, les étudiants ont scandé le slogan: «Le marasme règne dans la cité», pour reprendre l'expression d'un manifestant. Pendant tout ce temps, la circulation automobile a été interrompue. La marche s'est poursuivie jusqu'à la levée du sit-in, marquée par une pause-repos en plein air devant le siège de la wilaya. Les repas y ont été servis par les travailleurs qui les ont acheminés à partir des restaurants des résidences. Tout au long du sit-in, les étudiants ont clamé haut et fort la décentralisation des oeuvres universitaires, dont «la mauvaise qualité» a fait l'objet de dénonciation, dès le départ, soit lors de la première marche qui avait, pour rappel, été marquée par le saccage du siège de la DOU. Les manifestants d'hier ont exprimé, par ailleurs, leur refus de rejoindre la nouvelle cité universitaire d'El Kseur. Dans une plate-forme de revendications en 11 points, les représentants des étudiants demandent le départ «des responsables et personnels incompétents»? et réclament aussi leur participation dans les processus décisionnels et la possibilité d'un contrôle de la gestion des résidences. Ils exigeront «l'ouverture d'un dialogue avec les responsables de la tutelle ministérielle», sans quoi leur mouvement se poursuivra le temps qu'il faudra. L'université en ébullition n'a, par ailleurs, pas laissé indifférents les acteurs de la société civile et politique. D'abord le premier concerné, le rectorat de l'université de Béjaïa qui a rendu public un appel au dialogue et que les manifestants ont rejeté dès hier. Les responsables de cette institution ont estimé que «la situation de l'université est depuis quelques jours grave», s'indignant par la même occasion contre «le refus du dialogue». «Vouloir transformer l'université en désert, c'est préparer un avenir de désolation», conclut l'appel du rectorat. De son côté, le président de l'APW de Béjaïa, fraîchement installé, s'est élevé contre les conditions de vie et d'étude des étudiants. «Entasser dans des chambres-dortoirs, bourse de la honte, affamer biologiquement et intellectuellement», sont autant de mots utilisés par le président de l'APW, M.Hamid Ferhat, pour signifier «la volonté de tuer l'avenir du pays». Tout en saluant «la hargne et la détermination des étudiants», qui ajoute-t-il, «déverseront les torrents du changement et libéreront les Algériens», le président de l'APW s'est étalé sur la situation socio-économique du pays, relevant le paradoxe de la richesse et la paupérisation de sa population.