Un film utile à voir comme le sont la plupart des oeuvres de «l'humain» Sissako... Grand Prix du public au Festival du film de Paris en 2006, Bamako de Abderrahmane Sissako sera projeté en avant-première aujourd'hui, à 18h 30, au cinéma Al Thakafa, ex-ABC, 5, rue Chérif Zahar, et ce, sur initiative de Sora Productions avec le concours de l'ambassade de France en Algérie et l'Opca d'Alger-Centre. Dans la cour qui réunit les habitations de quelques familles, un tribunal a été installé: des représentants de la société africaine jugent la Banque mondiale et le FMI, fomenteurs d'inégalités. Le procès se déroule en parallèle à la vie des habitants. Dans la maison de son enfance, le réalisateur met en scène le procès fictif d'un vrai crime: l'inhumanité avec laquelle le Nord étrangle le Sud, le cynisme avec lequel les institutions financières internationales condamnent l'Afrique à sa perte, favorisent un capitalisme prédateur qui ne vise qu'à fabriquer «des profits à perpétuité». Ce long métrage réunit une flopée de bons acteurs comme Aïssa Maïga, Tiecoura Traoré et Hélène Diarra. Bamako sera aussi projeté au public à partir de mardi dans les salles de cinéma: Al Thakafa à raison de trois séances par jour, 13h15, 15h15, 18h00 à la Cinémathèque d'Alger (13h, 15h00, 18h00) et la Cinémathèque d'Oran à 14h et 17h. Cinéaste mauritanien, Abderrahmane Sissako est connu pour ses oeuvres ayant le thème principal l'exil, le déplacement. Il peint l'Afrique avec des touches autobiographiques. On peut citer Octobre (1993, 35 mm, 37 minutes), ayant obtenu le Prix un certain regard au Festival de Cannes, Le Chameau et les bâtons flottants (1996, vidéo, 6 minutes) d'après Jean de La Fontaine. Adaptation tournée en Mauritanie, Sabriya (1996,vidéo, 26 minutes), dans la collection initiée par Arte, African Dreaming. Rostov-Luanda (1997,vidéo, documentaire de 59 minutes. Dans le cadre de Documenta X Kassel). L'action est située en Tunisie. Un film sur un ancien guérillero de la guerre pour la libération de l'Angola, qu'Abderrahmane Sissako avait rencontré, seize ans plus tôt, à Moscou, La Vie sur terre (1998, 35 mm, 67 minutes) (Mention spéciale du jury au 16e Fespaco en 1999), tourné au Mali dans le village de son père, Heremakono (En attendant le bonheur) (2002, 35 mm, 90 minutes), Grand Prix-Etalon de Yenenga au 18e Fespaco en 2003) et inspiré au cinéaste par son bref retour en Mauritanie en 1980.Interviewé au sujet de Bamako, le réalisateur mauritanien déclare: «La première raison est lointaine: quand on vit dans un pays et que quelque chose ne se passe pas très bien, qu'on prend conscience des choses de la vie, la politique...on a envie de se positionner en tant qu'artiste. J'ai senti une certaine urgence de faire un film plus politique que mes films précédents» Et d'expliquer: «J'ai voulu adopter une approche d'une coresponsabilité de ce qui arrive en Afrique (la corruption en est responsable aussi). Je voulais aussi interpeller ceux qui ont conçu un principe de développement (l'ajustement structurel): après l'esclavage et la colonisation, c'est une autre forme d'exploitation. Et il existe forcément une forme de complicité à un haut niveau. Sinon, j'ai aussi voulu tourner dans la maison où j'ai grandi, celle de mon père qui a disparu aujourd'hui.» ce long métrage passionnant amène à réfléchir, au-delà du Mali, sur l'Afrique, en mettant en place un procès improbable entre la société civile et le FMI. «Bamako est une remise en cause juridique fictive de ce système. Et c'est là que l'art intervient. En tant qu'artiste de mon pays et presque de mon continent, dans la mesure où l'Afrique produit très peu de films, je me suis senti dans l'obligation de rendre cette réalité visible et compréhensible, quitte à forcer le trait.» souligne Abderrhamane Sissako dans un autre entretien. Enfin évoquant les critiques de ses films, le réalisateur a confié: «Pour le cas de Bamako, j'ai plutôt eu de bonnes critiques. C'est un film politique qui essaie de montrer la dignité des gens, la valeur de leur parole, derrière laquelle je me suis souvent effacé. En fait, je crois qu'il s'agit du film où je me suis senti plus témoin que cinéaste. J'ai, avant tout, cherché à faire en sorte que certaines vérités puissent apparaître...» bref, un film utile et agréable à voir..