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L'Université algérienne et l'éthique
SOUTENANCE À TITRE POSTHUME DE LA THÈSE DE DOCTORAT DE MOHAMED TEFIANI
Publié dans L'Expression le 24 - 12 - 2007

«Les hommes vous estiment en fonction de votre utilité, sans tenir compte de votre valeur.» Honoré de Balzac
Samedi 15 décembre 2007, 10h. Monsieur Tefiani se rappelle à notre bon souvenir en soutenant par Directeur de thèse interposé une thèse de doctorat d'Etat. Le 15 décembre aurait été son soixante-dixième anniversaire à 45 jours de sa mort qui eut lieu un funeste 1er novembre. La salle de conférence était archicomble, il y avait plus de 600 personnes dont une centaine d'étudiants debout pendant les deux heures qu'aura duré la thèse et les hommages qui furent rendus au regretté maître Mohamed Tefiani de la part de ses collègues algériens et français. Ces universitaires et ces étudiants n'étaient pas venus avec un quelconque intéressement, ni mandatés pour faire la claque pour des causes obscures. Ils étaient là, parce qu'il fallait, pour les étudiants, honorer la mémoire du maître, pour les collègues universitaires et des centres de recherches, notamment celui du CRD/Sonatrach de Boumerdès, être là pour cet hommage tardif.
En observant la salle, j'ai retrouvé le recueillement devant le savoir et la reconnaissance de l'apport des maîtres qui ont construit cette université qui nous tient tant à coeur et qui part en lambeaux par pans entiers parce que nous n'avons pas su, tous autant que nous sommes, dire non aux dérives quant à la norme et à l'éthique.
Qui est au juste Mohamed Tefiani?
Petit rappel. Le 3 novembre, le monde universitaire apprenait la triste nouvelle: Monsieur Mohamed Tefiani décédait, un entrefilet dans El Watan fut son épitaphe. Mohamed Tefiani s'en alla sur la pointe des pieds en ne dérangeant personne. Aucune manifestation officielle pour ce pilier de l'université, il fut parmi les premiers à enseigner dès l'indépendance.
En hommage au regretté Mohamed Tefiani, le Conseil scientifique de la faculté des sciences de la terre, de la géographie et de l'aménagement du territoire de l'Université des sciences et de la technologie Houari-Boumediène a proposé, à cet effet, de maintenir la soutenance de la thèse de doctorat d'Etat du défunt, qui vient de disparaître brutalement. Intitulée «La géologie alpine de l'ouest de la Grande-Kabylie: stratigraphie - structure et géodynamique», la soutenance aura lieu le samedi 15 décembre, à 10h, à la salle polyvalente de l'USTHB. C'est la deuxième thèse organisée par l'université algérienne après la thèse de mathématiques de Maurice Audin en 1963.
Nous n'avons ni l'ambition ni la compétence pour décrire le parcours du combattant de près d'une cinquantaine d'années au service de l'université algérienne. Qu'il nous suffise de savoir qu'il répondit présent à l'appel du pays un jour de septembre 1962 pour tenter l'impossible: assurer une rentrée universitaire pour le millier d'étudiants algériens qui avaient soif d'apprendre. Durant cette période héroïque et bénie, l'imagination était au pouvoir. Il n'était pas rare que de rares Algériens enseignaient plusieurs disciplines du fait du départ massif des enseignants français qui, à leur façon, voulaient continuer le travail de «tabula rasa» qui a démarré 130 ans plus tôt, quand le maréchal Clauzel démolit les mosquées et rattacha les habous à l'administration militaire tarissant du même coup, les sources de financement des mosquées et des zaouias -équivalent de l'enseignement aux mains de l'Eglise catholique de l'époque en France- où se faisait l'essentiel de l'enseignement.
Parallèlement à ses tâches d'enseignant, Mohamed Tefiani contribua au rayonnement international de la géologie algérienne. Membre de l'IGCP, organisme sous l'égide de l'Unesco.
Rappelons aussi qu'il contribua à la Commission de la Carte géologique du Monde sous l'égide du Museum d'Histoire Naturelle de France, en témoigne sa contribution suivante: «Triassic series on the Saharan Platform in Algeria; Peri-Tethyan onlaps and related structuration» 1993.
Qu'il nous suffise aussi de citer une première étude intitulée: «Données stratigraphiques sur le Secondaire de la région entre Massac et Montgaillard, AudeStructure et origine paléogéographique des unités méridionales de la Dorsale calcaire dans le Djurdjura (Grande Kabylie, Algérie)» 1987.
Mohamed Tefiani a commencé à publier dès 1967, au moment où les enseignants de l'université algérienne, ces voleurs de feux de la connaissance, pour reprendre l'élégante formule de Jean El Mouhoub Amrouche, se comptaient sur les doigts d'une main. Animés de la foi dans la science et mus par un amour sans nom pour le pays. Ils formèrent des cohortes d'Algériennes et d'Algériens. Naturellement, ils n'eurent pas le temps de penser à leur propre carrière qui, malheureusement, structurée par la diplomite et le doctorat, cette invention du diable que nous avons héritée et qui ne nous ne garantit pas, loin s'en faut, de la compétence de celle ou de celui à qui on va confier la fine fleur de ce pays, je veux parler de ces bourgeons que sont les étudiant(e)s et que nous laissons se faner parce que confiés à des «douctours» qui font du titre de professeur l'alpha et l'oméga de l'aboutissement d'une carrière. Alors que ce titre ronflant creux et sonore de docteur devrait être le début d'un sacerdoce au service de l'Université algérienne. Les dérives sont tellement importantes que nous voyons malheureusement des collègues «mettre la clé sous le paillasson» et tentent d'investir d'autres domaines plus juteux. S'il est vrai que les pouvoirs publics ont participé à la démonétisation des enseignants par le mépris dans lesquels ils tiennent les formateurs de l'élite du pays, nous devons, pour notre part, faire notre mea-culpa.
Dans cette atmosphère délétère je veux lancer un appel: il nous faut réhabiliter l'université algérienne en donnant à chacun son dû. Pour que plus jamais ceux qui sont morts pieusement pour la patrie et qui l'ont servie au quotidien, en entretenant fiévreusement la flamme hésitante de la science et de la connaissance, le soient en définitive pour une université fascinée par l'avenir. Mohamed Tefiani aurait pu soutenir dix thèses s'il l'avait voulu, les élèves qu'il a formés et dirigés en recherche sont professeurs. Mohamed Tefiani a servi l'Université algérienne pendant près de cinquante ans. Cette dernière le lui a très mal rendu. Au lieu de juger d'une compétence globale faite de travaux, d'enseignements d'encadrement, nous avons adopté, à tort, le schéma de la thèse, seule voie d'accès au professorat. Avec la satisfaction du devoir bien fait, Mohamed Tefiani, s'occupant enfin...de sa carrière, a voulu marquer au crépuscule de sa carrière, son passage par une étude spécifique pour accueillir ce fameux sésame dans l'imaginaire des cohortes d'enseignants.
Il nous faut revoir cette façon de faire et miser sur la compétence et la valeur ajoutée plutôt que sur la collation de diplômes. A titre d'exemple, aux Etats-Unis, lors de recrutement, il est demandé au candidat, non pas la quantité de diplômes mais ce qu'il sait faire et qu'il doit prouver devant un collège d'experts qui, eux, décideront de son recrutement. Il nous faut compter que sur nous-mêmes. Nous n'avons pas besoin de donneurs de leçons d'expertises externes que l'on agite à la face des Gardiens du Temple qui sont restés au pays dans les moments les plus durs, augmentant chaque jour un peu plus leur détresse.
Naturellement, l'université ne doit pas être une tour d'ivoire. Elle baigne dans un environnement social. La réforme de l'université doit être synchrone d'une vision nouvelle de la société. A titre d'exemple, nous devons aussi éviter le mimétisme ravageur de la modernité exogène qui ne tient pas sur le corps social algérien car c'est un «cautère sur une jambe de bois». La modernité est une mode passagère, elle est éphémère, se repaît exclusivement de l'immédiateté. La recherche du profit -souvent immérité- et de la satisfaction immédiate en sont les signes les plus marquants.
Inventer le futur
Comme conséquence, cette quête sans fin de l'artificiel incantée par les médias et les chaînes occidentales amène à la décomposition du tissu social: le seul vrai lien social n'est plus que le lien par le marché, l'industrie. De façon générale, tout ce qui fait lien, qui relie les gens les uns aux autres, perd du terrain. Ce qui se trouve déstructuré, c'est le «vivre-ensemble». Au contraire, est valorisé tout ce qui sépare et, dans ce contexte, les propos discriminatoires sont légion. Des boucs émissaires sont désignés. Par contre, si nous aspirons à une société de progrès où chacun aurait son dû en fonction de ce qu'il apporte à la collectivité nationale, c'est autre chose. Cela commence par la sauvegarde et le renforcement de ce qui relie et qui protège: les engagements entre générations (retraite, dette publique, environnement), les engagements solidaires, la liberté, le respect de l'autre, les droits de l'homme.
Le progrès social n'est pas, le croyons-nous, dans la distribution toujours plus grande d'allocations sans cap et vision d'ensemble, ni dans l'extension tentaculaire de l'Etat-providence. De la distribution de bourses à la manière du calife, comme le fait le ministère des Affaires sociales pour calmer les classes dangereuses, dociles ou fidèles d'entre les fidèles. Le vrai progrès, c'est celui de la société tout entière. C'est la part supplémentaire qu'une génération peut apporter au patrimoine de l'humanité, à la génération suivante. C'est donc tout le contraire que de priver les générations à venir d'une part importante des richesses et des bienfaits de notre monde actuel, en leur léguant un pays en friche, un environnement très dégradé et sans ressources, notamment énergétiques, et des contraintes ingérables dans le monde qui sera le leur.
Les pionniers de l'Université algérienne, les Lacheraf, Kaddache, Aoudjhane, Tefiani et tant d'autres anonymes pour ceux qui gouvernent, ont lutté avec les armes de l'esprit pour que l'Algérie émerge du chaos dans lequel la colonisation, à qui certains nostalgériques trouvent des vertus positives, l'avait plongée. Il ne faut pas que leur combat reste vain. Il n'est pas trop tard! A nous tous d'inventer le futur pour qu'enfin notre pays fasse le saut qualitatif pour le plus grand bien de tous ses enfants, sans exclusive.
Chacun peut améliorer quelque chose et, ce faisant, s'améliorer lui-même. Chacun ne demande qu'à être acteur de changement et non pas simple spectateur: passif devant un Etat-spectacle! Quels que soient son âge et sa condition, chacun peut apporter sa pierre à l'édifice et améliorer sa connaissance. Car il y a en chaque Algérien une curiosité naturelle -que la société actuelle; celle du spectacle, de la consommation, du népotisme et des légitimités douteuses autres que celles de l'effort et de la sueur, étouffe- et il veut explorer, valoriser la part de lui qu'il aspire à mieux connaître et à mieux faire connaître.
Le progrès, c'est semer pour l'avenir et les générations futures. Quel arbre faisons-nous pousser? Donnons à ces jeunes -en panne d'espérance- les outils pour donner la pleine mesure de leur talent. A n'en point douter, les «gardiens du Temple» que sont les enseignants, ont un rôle éminemment positif à jouer. L'avenir du pays se joue à l'université. Il n'y aura miracle que quand le regard des princes qui nous gouvernent change en ce qui concerne l'apport déterminant de l'enseignant et qu'enfin, émerge un ordre moral, un nouvel état d'esprit basé sur la méritocratie, seule légitimité qui peut donner à cette immense Algérie un destin à la hauteur de son histoire trois fois millénaire.
Mohamed Tefiani, outre son sacerdoce au service de l'Université algérienne, était un gentleman au physique et dans sa manière élégante d'aborder les problèmes avec un certain recul, voire une distanciation qui lui permettaient avec le mot juste de résumer d'une façon magistrale des situations cocasses, notamment celle du fonctionnement de l'Université algérienne. Mohamed Tefiani ira rejoindre l'armée des «sans-» grade; il côtoiera d'autres géants qui avaient à coeur cette Algérie au point que chacun, à sa façon, s'est battu pour elle. La lecture par la présidente du jury, de la délibération qui a jugé Monsieur Mohamed Tefiani digne du doctorat d'Etat à titre posthume, s'est faite sous une longue ovation qui a duré plusieurs minutes.
La remise du doctorat par le recteur de l'université à Madame Tefiani s'est faite aussi d'une façon très digne et les centaines de personnes présentes ont communié ensemble et témoigné que, malgré tout, l'Université algérienne était encore debout.
Cette université des Lacheraf, des Kaddache, Aoudjhane, Tefiani et de tant d'autres est à ressusciter. Cette année 2007 a vu le grand départ de plusieurs piliers de l'Université algérienne. Ils croyaient en une certaine idée de l'Algérie: celle de l'abnégation et celle du devoir loin du m'as-tu-vu et des feux de la rampe. Paix à leur âme!
* Ecole nationale polytechnique
* Ecole d´ingénieurs de Toulouse


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