Pour réviser la Constitution, il y a un processus à suivre, d'autant plus que la route a été balisée par la loi fondamentale amendée de 1996. Quinze mois encore avant la fin du deuxième et dernier mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Nonobstant le temps assez long qui nous sépare encore du prochain scrutin présidentiel, des manoeuvres sont orchestrées par le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, en vue de la candidature du chef de l'Etat sortant à un troisième mandat. En réalité, dans ce débat si, évidemment, débat il y a, on a tendance à mettre la charrue avant les boeufs, fonçant tête baissée, ne tenant aucun compte, outre de la faisabilité d'un tel événements, que surtout du fait si les lois actuellement en vigueur et, certes, la première d'entre elles, la Constitution du pays, permettent un tel procédé. Que dit la loi fondamentale quant à l'élection présidentielle dans sa version amendée de 1996, largement approuvée par le peuple algérien? Elle dit ceci dans son article 74: La durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Le Président de la République est rééligible une seule fois. Plus haut, dans son article 70, la loi fondamentale souligne: Le Président de la République, chef de l'Etat, incarne l'unité de la Nation. Il est garant de la Constitution. Dans son énoncé, la Constitution de 1996 est on ne peut plus clair d'autant plus qu'elle précise que le président de la République est en charge d'en garantir l'application. Le préambule de la loi fondamentale affirme d'autre part: La Constitution est au-dessus de tous, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs, protège la règle du libre choix du peuple...Donc, il est patent que la loi fondamentale n'est aucunement une chose que l'on change ou que l'on peut changer à tout bout de champ pour les besoins de la cause. Dès lors, un tel amendement ne peut se faire que pour des raisons impérieuses de stabilité de l'Etat et de défense de la République. Le chef de l'Etat a certes dit que l'actuelle Constitution ne lui convenait pas, évoquant, ici ou là, l'éventualité d'une révision sans sembler cependant en faire une obsession, d'autant plus que l'option de son amendement lui appartient totalement, comme le stipule la Constitution dans son article 174 qui expose: La révision constitutionnelle est décidée à l'initiative du Président de la République. Elle est votée en termes identiques par l'Assemblée populaire Nationale et le Conseil de la Nation dans les mêmes conditions qu'un texte législatif. Et le document de préciser: Elle est soumise par référendum à l'approbation du peuple dans les cinquante (50) jours qui suivent son adoption. Evidemment, la révision constitutionnelle approuvée par le peuple est promulguée par le Président de la République, est-il encore stipulé dans le texte de la loi fondamentale. Bien plus, l'article 177 souligne encore: Les trois quarts (3/4) des membres des deux chambres du Parlement réunis ensemble, peuvent proposer une révision constitutionnelle et la présenter au Président de la République qui peut la soumettre à référendum. II y a donc un processus à suivre, d'autant plus que la route a été balisée par la Constitution révisée de 1996. Cela bien sûr en restant dans la légalité évoquée par Ahmed Ouyahia lors de son passage au Forum de l'Entv, samedi dernier. Et lorsque le mot «légalité» est prononcé par un vieux routard de la politique tel que M.Ouyahia à propos de ce cas d'école, qu'est en train de devenir le «troisième» mandat, il y a lieu de s'arrêter pour examiner de plus près ce postulat, quoique de la part du secrétaire général du RND, cela s'apparente plus à un «wait and see» qu'à une véritable prise de position contre un troisième mandat du Président sortant. Et puis se placer sous la couverture de la légalité est fort commode qui vous donne le temps de voir venir. D'autant plus que chez nous, cette légalité a été marinée à tant de sauces que l'on peut demander à notre tour à voir. Pour rester dans la perspective du débat en cours, il faut s'inquiéter en outre -dans l'éventualité certes où M.Bouteflika décide d'ouvrir ce chantier- de qui va prendre en charge cette révision. Si l'actuelle loi fondamentale est très claire quant au processus de sa révision, elle ne précise pas en revanche, à quelle institution reviendra le droit de procéder à ces correctifs et à quelle commission sera confiée cette tâche. Il y a là un vide constitutionnel qui laisse dubitatif, surtout si l'on veut se placer sous le signe de la légalité républicaine. Un point que les hommes de loi auront sans doute à débattre et à examiner de près. Aussi, un parti (M.Belkhadem n'a cessé de dire que le texte est finalisé et serait même sur le bureau du Président) peut-il proposer une loi fondamentale «clé en main»? That is the question!