Seuls ou accompagnés d'adultes, ils vous accostent de manière parfois intempestive pour demander l'aumône. La vie est difficile. Ce constat est unanimement partagé par les citoyens. Au fil des années, elle devient encore plus difficile. Des signes extérieurs l'attestent à vue d'oeil. Pas besoin d'être un sociologue pour comprendre que l'Algérien s'enfonce chaque jour un peu plus dans la pauvreté. Avec un salaire dérisoire, le citoyen est obligé de recourir au système D. La mendicité en est un. Si la pauvreté est calculée en fonction du seuil fixé par la Banque mondiale à un dollar par jour, plus de la moitié des Algériens sont, selon ce critère, pauvres. La politique de lutte contre l'appauvrissement de la population adoptée par les pouvoirs publics ne font que ralentir le phénomène qui, malgré tout, prend de l'ampleur. C'est pourquoi on assiste à des phénomènes étranges. La débrouille pour les uns et la rue pour les autres. Un commerce d'un genre très spécial. Un commerce fructueux puisqu'il attire de plus en plus d'adeptes. Des enfants en bas âge, des adolescents sont exploités par leurs familles et des réseaux de mendiants comme appât pour amadouer les passants et susciter leur compassion. Ce n'est un secret pour personne. Ils sont visibles dans les rues et boulevards de la ville. Seuls ou accompagnés d'adultes, ils vous accostent de manière parfois intempestive pour quémander l'aumône, car, avancent-ils souvent comme arguments, «mon père ne travaille pas», «mon père est décédé», «je dois nourrir mes frères et soeurs». Ils sont aux abords des mosquées, des hôpitaux et des marchés, bref, dans tous les lieux publics. Parfois, ils pénètrent dans les cafés pour faire le tour des tables quémandant avec insistance au point de gêner le client qui se voit mettre la main à la poche malgré lui. A Béjaïa, le citoyen est apparemment généreux puisque, enfants et adultes venus d'autres régions, envahissent la rue, se mêlant aux mendiants locaux. «C'est là que je gagne mieux ma croûte», soutient cet habitué de la gare routière. Il arrive par bus le matin pour une «journée de travail». Un emploi rentable. Qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il vente, il est là, il préfère l'argent à autre chose. Nous avons tenté de l'inviter à déjeuner, mais nous avons reçu un niet catégorique. «Si vous voulez m'aider, donnez-moi de l'argent.» Le phénomène qui a pris de l'ampleur depuis déjà quelques années ne semble pas trouver de solution définitive, du fait que des réseaux connus à Béjaïa sont actifs. Des mendiantes et mendiants accompagnés d'enfants en bas âge, attirent les regards et poussent à la pitié. De nombreuses scènes de violence font les spectacles désolants de certaines rues où les enfants sont violentés pour n'avoir pas rapporté la pièce attendue, raconte la vox populi. Cela étant, le laxisme des autorités compétentes a encouragé ce commerce ignoble, étranger à notre société et aux valeurs défendues par notre religion. A qui faut-il imputer ce phénomène? Un appauvrissement accru encouragé par une économie totalement défaillante? A des gens sans scrupule? Aux deux, peut-être? Une chose est sûre, au moment où la communauté internationale insiste, de plus en plus, sur la protection de l'enfance, l'Algérie doit faire d'énormes efforts dans ce domaine. L'ouverture économique qui s'est soldée par le laminage de la classe moyenne, ossature de la cohésion sociale et de la construction du projet démocratique, ajoutée à la tragédie nationale, ont eu pour conséquence une bipolarisation des classes sociales. Les riches sont devenus plus riches et les pauvres plus pauvres.