Les services de sécurité sont en alerte. Les médias sont confrontés à un véritable dilemme. Comment informer sans semer la psychose? Sans être accusés de faire le jeu des terroristes? Projets d'attentats terroristes en Belgique: alerte générale. Arrestation de 14 suspects, battage médiatique, impression d'état de guerre...Suspectés de programmer l'évasion de l'islamiste tunisien Trabelssi, condamné à 10 ans de prison en 2004, les 14 suspects sont libérés 24 heures après. Trabelssi fait parvenir une lettre aux médias belges dans laquelle il nie tout projet de ce genre et rappelle qu'il a déjà effectué les deux tiers de sa peine et n'a pas à prendre de tels risques. Au même moment, arrestation en France de 7 autres présumés terroristes suspectés, eux aussi, de projeter des attentats en ces jours de fêtes religieuses. A Alger, une onde de choc ébranle tous les médias confondus à l'annonce d'un sondage de la chaîne qatarie, Al Jazeera, sur le «pour ou contre les attentas terroristes du 11 décembre». Nous voilà, musulmans, chrétiens, laïques, athées...réunis par le hasard des calendriers dans la ferveur des fêtes: Aïd El Adha, Noël, réveillon de fin d'année...Faut-il y voir un lien avec ce battage médiatique international autour de la question de la violence terroriste? Ce dimanche matin, sur la chaîne de télé belge RTL-TVI, Monseigneur Danels, cardinal de son état, déclarait: «Il n'y a pas d'autre prophète après Jésus Christ», en réponse à une question sur le prophète de l'Islam. Lui, d'habitude si consensuel, cède-t-il à la panique de la menace terroriste mise en avant par les médias belges? Les politiques, les ministres de la Défense et de l'Intérieur ont bien précisé qu'il s'agissait d'une simple opération policière courante et qu'il ne faut pas s'alarmer outre mesure. Rien n'y fait, télés et journaux crient dans leur Une à l'attentat imminent. Ailleurs, du fond de sa prison en Egypte, Sayyed Abdelaziz Echarif, ex-bras droit de Ben Laden, condamne les attentats du 11 septembre 2001 contre les USA et affirme qu'Oussama Ben Laden est un néophyte en matière d'Islam. Précédemment, les services de sécurité italiens réalisent une opération de «ratissage» dans les milieux islamistes dans plusieurs villes italiennes. Ils annoncent avoir démantelé des «projets d'attentats terroristes». Cette succession d'événements à l'approche des fêtes de fin d'année est-elle fortuite? Si le risque zéro n'existe pas en matière de prévention d'attentats terroristes, faut-il pour autant voir, à l'approche de chaque fête, notamment religieuse, des moments propices pour les terroristes à montrer le niveau de leur cruauté? Certainement, puisque l'histoire récente du terrorisme le conforte. On sait que les terroristes n'aiment pas la fête. Les services de sécurité ont toutes les raisons d'élever le niveau de prévention en de tels moments. Reste les médias. Comment donner l'information sans créer la psychose? Pas facile, certes. Est-ce à dire que nous sommes condamnés à faire le jeu des propagandistes du terrorisme à la moindre alerte? Comment éviter de leur assurer une campagne médiatique et publicitaire tout en respectant le droit à l'information du citoyen? Même lorsque une telle situation touche un seul pays, l'impact est démultiplié par la couverture médiatique qui suit. Dans le cas où l'alerte antiterroriste est activée dans plusieurs pays et l'information répercutée chez les médias, les terroristes s'en réjouissent. Leur label publicitaire comme celui d'Al Qaîda par exemple, gagne en points et en valeur. C'est leur façon à eux, de rejoindre la mondialisation comme tout le reste. Face à ce dilemme, les politiques ne sont pas en reste. Il y a ceux qui utilisent le danger terroriste contre ceux qui sont au pouvoir pour l'instant et dénoncent leurs carences. Il y a ceux qui, au pouvoir, l'utilisent pour limiter davantage le droit de l'opposition et celui de l'expression. En Algérie, certains n'ont pas hésité à faire le parallèle entre les derniers attentats meurtriers, l'anachronique et honteux sondage d'Al Jazeera et la prochaine élection présidentielle. En Belgique, l'opération «coup de poing» contre des milieux islamistes a été mise par les partis politiques extrémistes sur le compte de la crise politique et l'installation du nouveau gouvernement provisoire. Les urgences sociales et politiques ont été remises au placard pour le moment, selon eux. Avec un tel climat de craintes justifiées, médias et hommes politiques sont pris dans l'engrenage du jeu macabre des semeurs de mort. Que faire? Mener des campagnes médiatiques et de mobilisation antiterroriste, tous azimuts, signifierait qu'il existe encore des êtres humains pour qui la terreur et l'assassinat de leurs semblables sont permis! Autrement, comment expliquer le «sondage» funeste d'Al Jazeera qui estime que 54,7 d'entre ses téléspectateurs ont été «pour les attentats»? Cela fait froid dans le dos et nous interpelle sur le sens que les Arabes donnent à la vie.