Une dizaine de férus de cinéma ont, durant plus d'une semaine, suivi une résidence d'écriture de scénario. Ils nous en parlent... Le cinéma, un moyen d'évasion pour beaucoup d'entre nous, est devenu ces dernières années une volonté d'aller au-delà de cette image pour sonder ses secrets. Autrement de le pratiquer comme un art à part entière. L'association Chrysalide spécialisée dans tout ce qui touche au domaine de l'art, de près ou de loin, en littérature, poésie, théâtre et en cinéma, a fait récemment de la formation un point d'orgue et de convergence essentielle de ses activités culturelles et artistiques. Le terrain étant vierge, mais pas seulement, la formation reste un élément nodal, noble, indispensable pour tout créateur quand on constate la défection de cette discipline en Algérie. Aussi, c'est toujours aux associations de prendre le relais. Une mission noble quand on voit tous ces jeunes assoiffés de culture qui se sont inscrits du 31 octobre au 11 novembre derniers à la résidence d'écriture scnénaristique lancée par l'association Chrysalide et tenue dans une auberge aux Aftis, à quelques kilomètres de Jijel. De la passion à occuper le terrain pour faire rayonner la culture en axant sur la proximité en termes de réflexion et de popularité. Aussi, deux intervenants se sont déplacés aux Aftis afin de prodiguer leurs leçons et savoir-faire à notre dizaine de stagiaires venus d'un peu partout: Bouzeguène, Tizi Ouzou, Sétif, Alger...). Il s'agit de Nachiketas Wignesan, enseignant (Paris, Sorbonne III), critique de cinéma et scénariste ainsi que Gregory Valen, scénariste et critique de cinéma dans le mensuel Positif, «impressionnés par la vivacité et la qualité des stagiaires ainsi que par l'intérêt qu'ils accordent au cinéma». Intégrer une méthodologie d'écriture, identifier les mécanismes dramaturgiques et maîtriser le langage scénaristique sont les trois horizons atteints au cours de ces deux semaines. Parallèlement, la résidence visait à ce que chacun puisse développer et perfectionner une création personnelle. Le programme mêlera ainsi travail de réécriture du scénario des participants et analyses de films pour alimenter réflexions et scénarios. Les intervenants ont tantôt animé des ateliers pour le groupe tantôt travaillé en particulier avec chacun des participants. Le projet même de la résidence a été conçu comme une plate-forme d'échange de connaissances à plusieurs niveaux. Il ne s'agissait pas d'un dialogue exclusif entre les intervenants et les participants. Au contraire, ceux-ci ont été invités à jouer un double rôle: auteur de leurs propres textes et auditoire critique de ceux des autres. Trois de ces stagiaires ont accepté de se confier tout en nous transmettant leur enthousiasme sur cette résidence amenée à être renouvelée cette année encore. Pour le photographe Hocine Babou de Bouzeguène, le cinéma est carrément «une arme, une école et enfin un moyen de divertissement...». «Cette formation m'a permis de terminer mon scénario, d'avoir des contacts avec qui partager la passion du cinéma. Le formateur m'a enseigné une autre façon d'écrire et une autre façon de voir le cinéma», nous a-t-il révélé. M.Babou voudrait bien en faire son métier mais il reste pessimiste: «Je le voudrais même si en Algérie...». Une étudiante de 27 ans, Meriem Bouzidi, nous déclarera avoir participé à cette résidence d'emblée «pour apprendre, me mesurer à des professionnels et avoir l'avis de connaisseurs sur "mon travail"». Pour elle, le cinéma, «c'est la plus belle invention du monde. Il est à notre siècle ce qu'ont pu être les arts littéraires aux siècles derniers». Cette résidence, nous révèlera Meriem, lui a permis de «comprendre ce que "Grand Cinéma" veut dire et que je ne connaissais rien à rien, que je n'avais jamais vu de film de ma vie. Que le cinéma est aussi subtil que peut l'être une toile qu'on passe des heures à contempler pour tenter de la comprendre; dans un film chaque petit détail, chaque phrase, couleur de vêtement ou objet dans un décor sont des acteurs du film et que ce dernier et son message sont une interprétation et un subtil recoupement de chacun de ces détails». Notre étudiante fera remarquer que l'encadreur était «une personne dévouée et patiente, très patiente; il nous a amenés, par l'analyse filmique, à comprendre ce qu'est un film, une histoire, un message, un scénario, il nous a appris à voir un film et à en écrire un». Enfin, Meriem dira avec intelligence que «l'Algérie est un personnage à elle toute seule et que c'est dommage qu'on ne s'amuse pas à la croquer plus souvent, sans censure subie ou autocensure». Et de conclure en ces termes: «Réalisateur ou scénariste ne sont pas des métiers, on ne les choisit pas pour gagner sa vie, c'est un don qu'on a ou pas, je pense donc qu'on ne les choisit pas, c'est eux qui nous choisissent...». A méditer. Passionnée de cinéma, Randa El-Kolli, étudiante en 2e année magistère option sciences du langage (université de Sétif) et enseignante, n'a vraisemblablement rien à voir avec le cinéma, néanmoins elle nous souligne: «Je me suis inscrite à cette résidence parce qu'au fond je suis une fervente admiratrice de l'art. Convoitant toutes sortes d'activités artistiques, j'ai voulu ´´m'essayer´´ au cinéma et répondre à une question qui me taraudait Ai-je en moi la graine scénaristique? Et grâce à cette résidence, j'ai pu répondre à ma question.» Le cinéma, dit-elle, «était pour moi une source d'évasion, il est aujourd'hui convoitise. J'aimais bien regarder des films (sans plus), aujourd'hui, j'adorerai en faire». Cette formation, ajoute-t-elle, «m'a fait découvrir une nouvelle passion, une envie que je compte assouvir. L'encadreur, quant à lui, m'a fait comprendre qu'un scénario se réécrit et se réécrit et se réécrit...» Et de conclure: «Le cinéma: un métier? J'adorerais. Quoi de plus exaltant qu'un "métier-passion"?» Alors, si vous aussi vous en rêvez, ce sera peut-être votre tour demain, qui sait, de devenir un grand réalisateur, pourvu que la passion soit là!