Voir des lycéens tenir des sit-in ou défiler dans la rue, sans verser dans le vandalisme, est, chez nous, un fait nouveau. Les syndicats autonomes ont mobilisé plus de 80% des employés de la Fonction publique lors de leur dernier débrayage. Ils ont sonné le glas de la Centrale syndicale. Le vent de contestation qui a gagné les étudiants de Béjaia et de Tizi Ouzou souffle maintenant sur les lycées. Des milliers de potaches réclament l'allégement des programmes. Ils jugent les choix de leur ministère peu judicieux et menacent de bloquer les études. S'il faut reconnaître que le recours aux grèves n'est pas nouveau dans la vie des Algériens, l'abstention électorale est tout à fait récente. Les législatives de mai 2007 ont été marquées du sceau de l'abstention qui n'a pas non plus épargné les locales du mois de novembre suivant. L'indifférence affichée par les Algériens, lors de ces deux scrutins, a fait office de message politique clair. Lequel message, peut-on comprendre, veut dire: «Je ne suis pas concerné et/ou intéressé par ce que vous faites.» Le recours à la grève, l'abstention, en passant par la contestation, laissent entrevoir un certain éveil citoyen. Mais il faut dire aussi que la succession des mouvements de contestation traduit la non-prise en charge des problèmes des citoyens. Le ras-le bol des Algériens est si évident qu'il ne servirait absolument à rien de faire semblant de ne rien entendre. Une attitude chère à nos responsables qui règlent les problèmes en misant sur l'essoufflement des protestataires. Les exemples ne manquent pas. Décembre dernier, les cheminots, en débrayage, paralysent le transport ferroviaire pendant 11 jours. Les grévistes ont mis dans le même sac et l'employeur, la Sntf, et leur syndicat affilié à l'Ugta. 11 jours d'arrêt de travail avec des milliards de pertes parce que les responsables concernés n'ont pas pris la peine d'écouter les travailleurs. C'est justement là le noeud gordien de ce dysfonctionnement de la gouvernance, aujourd'hui patent. Sinon comment expliquer l'entêtement du gouvernement à considérer l'Ugta comme seul interlocuteur social? Une attitude qui devient insoutenable au fur et à mesure que la représentativité du syndicat officiel rétrécit comme une peau de chagrin. La situation actuelle du pays démontre que les préoccupations urgentes des Algériens ne semblent pas constituer des priorités. La gestion de l'érosion du pouvoir d'achat a été «traitée» par des mesures d'«apaisement», prises à l'orée d'une rentrée sociale qui s'annonçait chaude. Les problèmes renvoyés hier, reviennent aujourd'hui et on ne peut pas, indéfiniment, ajourner leur traitement. Les citoyens se montrent de plus en plus conscients. Voir des lycéens tenir des sit-in ou défiler dans la rue, sans verser dans le vandalisme, est, chez nous, un fait à la limite du nouveau. Un exercice de la citoyenneté et une manière civique de faire valoir leurs revendications. Il reste aux pouvoirs publics de se mettre à niveau en modernisant leurs outils d'écoute et de communication.