Pour la circonstance, deux veaux ont été offerts par des bienfaiteurs du village qui ont gardé l'anonymat, comme le veut la tradition. 35 ans après, les habitants du village Tizi El Korn ont renoué avec une tradition ancestrale dans une ambiance de fête qui en dit long sur les nouveaux rapports de fraternité et d'entraide existant entre les villageois. C'est un moment fort en émotion lorsque le village tout entier s'est regroupé non loin des habitations pour procéder au sacrifice des sept boeufs achetés pour la circonstance. C'est «Taâchourth» (lachoura), une fête religieuse qui colle bien avec l'événement. Ce jour-là, les 3000 habitants du village, riches ou pauvres, ont eu droit à la même part de viande. Un partage dans toute son égalité au grand bonheur des potaches venus découvrir, pour certains, cette tradition, bâtie, sur un mode de gestion social plus que séculaire, et qui a fait la notoriété kabyle. Une pratique qui préserve l'élan de solidarité qui profite à tous. Sept boeufs ont été sacrifiés. Cinq achetés avec la collecte des dons qui s'élève à 150 millions de centimes. Deux veaux ont été offerts par des bienfaiteurs du village qui ont gardé l'anonymat comme le veut la tradition. Dans cette région on ne se vante pas des bienfaits. On préfère rester simple. 400 foyers ont bénéficié d'une part conséquente de viande. Organisée par le mouvement associatif du village en collaboration avec le comité et les représentants des émigrés, la manifestation a été une réussite qui honore les villageois qui retrouvent, ainsi, après de longues années une pratique qui témoigne de toute la solidarité villageoise. Laouziaâ est une pratique très ancienne dans la plupart des villages de Kabylie. Elle est organisée à l'occasion de l'Achoura mais aussi à la fin du mois de ramadhan, soit la veille de l'Aïd El Fitr. Elle consiste, notamment en le sacrifice de boeufs que l'on partage ensuite équitablement entre les villageois. La répartition des parts de viande se fait par foyers et toujours avec les mêmes règles. Disposée en petits tas (tikhamin), la viande est ensuite répartie suivant un tirage au sort. Pendant que les adultes découpent la viande, les enfants de chaque foyer préparent leur symbole que le chef du village réunit ensuite avant de les déposer un par un sur chaque takhamt. De nos jours, on a recours au stylo et au papier pour désigner les parts. Cet événement rassemble tous les villageois. Enfants, jeunes et vieux, riches ou pauvres de tout le village sont là sans couleur politique et loin des distinctions et des privilèges. L'occasion est vécue dans la communion et la bonhomie. Pendant que les plus en forme travaillent à découper et répartir la viande, les vieux se racontent des histoires, des anecdotes tout en expliquant aux plus jeunes tout le sens de cette tradition qu'il faudra préserver. C'est justement ce qu'ont fait les villageois de Tizi El Korn, le village le plus peuplé de la daïra d'Adekar. Et c'est tout à leur honneur de ressusciter une tradition ancestrale.