Il s'agit d'une tradition séculaire de solidarité et de retrouvailles. Après plus de trente ans d'oubli, indépendamment des citoyens du village, la tradition séculaire kabyle dite timecheret ou lawziaâ a été ressuscitée le week-end dernier par le mouvement associatif et le comité de village de Tizi El-Korn, au grand bonheur de ses habitants. En effet, l'événement, qui coïncide avec la fête de l'Achoura, a été organisé en grande pompe, vu son importance socioculturelle. Pour ce faire, les organisateurs n'ont ménagé aucun effort pour sa bonne réussite. Le rendez-vous a fait l'objet de préparatifs des organisateurs depuis plus d'un mois via la tenue des assemblées générales du village les week-ends. C'est ainsi que les organisateurs ont réussi à amasser une somme d'argent de plus de cent millions de centimes grâce aux dons des villageois lors des assemblées générales successives. Cette cagnotte a permis largement aux organisateurs l'achat de sept taureaux à sacrifier pour la fête. “Nous avons estimé le coût de la fête à cent millions de centimes vu le nombre de foyers au village. Nous avons dépassé largement nos prévisions et le pari est réussi”, nous a déclaré un membre du comité organisateur, qui tient à préciser que même les émigrés du village y ont contribué financièrement. Jeudi matin, la cérémonie a eu lieu dans un champ à la périphérie du village dans une ambiance bon enfant. Sous les youyous stridents des femmes, les sept taureaux ont été abattus et charcutés par quatre bouchers. À midi, un déjeuner a été offert à la cantine scolaire de l'école primaire du village aux invités, aux notables des villages voisins et autres. Le lendemain, la viande a été distribuée aux villageois à l'occasion de l'Achoura, comme le veut la tradition. Pour revenir à cette coutume séculaire, sa portée symbolique, il s'agit d'un moment de solidarité et de retrouvailles de la communauté villageoise du fait que, même les citoyens du village établis ailleurs dans le pays ont pris part à la fête. Pour le côté solidarité et celui des retrouvailles, c'est le jour où les habitants du village se sentent des citoyens à part entière. Ce jour-là, il n'y a ni riche, ni pauvre, ni fort, ni faible. Telle est l'âme de timecheret dans le fond. Jadis, nous explique un doyen du village, la fête est organisée généralement à l'approche des saisons des labours-semailles dite “timecheret oussahel”, pour que la récolte soit bonne et fertile. Et chaque village a sa mascotte qui entame la saison des labours-semailles des terres des orphelins où des veuves du village. C'est dire, encore une fois, que l'esprit de solidarité agissante de timecheret prime sur tout autre considération. Au village de Tizi El-Korn, malgré le nombre d'habitants élevé, les citoyens sont déterminés à raviver cette flamme de timecheret. Bravo ! L. OUBIRA