A la suite d'une protestation observée mardi, des étudiants se trouvent derrière les barreaux. «Tout est parfait?» «Pour le moment, oui.» «Ne laissez entrer aucun journaliste.» Il s'agit d'un échange de propos entre un agent de sécurité à l'Ecole normale supérieure (ENS) du Vieux-Kouba à Alger et son supérieur hiérarchique. Les responsables de la cité universitaire considérée refusent la moindre déclaration au lendemain de la protestation des étudiants. Le silence est inquiétant. La cité universitaire en question a vécu, durant l'après-midi de mardi dernier, une scène déplorable. On se «serait cru à Ghaza», murmure un fonctionnaire. L'image que donne ladite cité universitaire est très significative. Il suffit d'en franchir le portail d'entrée pour comprendre. Des débris de verre, des traces de pneus brûlés à l'intérieur du campus et des extincteurs hors d'état, ce qui a empêché d'éteindre le feu de l'incendie déclaré. Les chambres, trop exiguës pour quatre étudiants, sont dans état lamentable. Les vitres de certaines fenêtres manquent ou sont brisées et les résidants subissent les affres d'un froid glacial. «Si quelques gouttes de pluie s'infiltrent, les chambres se transforment en piscine», redoute un étudiant. Les conditions d'hygiène sont montrées du doigt. Que ce soit au foyer ou au restaurant, on a l'impression d'être en face de dépotoirs à ciel ouvert. Rencontré au rez-de-chaussée du pavillon D, un étudiant en 1re année sciences exactes enfonce le clou. Il nous précise, la cité est dépourvue d'une ambulance. Calamiteux! Les horaires de travail ne sont gère respectés. La bibliothèque dispose d'un nombre insuffisant de chaises. La salle d'Internet aussi. Le menu servi au dîner mardi a été la goutte qui a fait déborder le vase. Les problèmes sont si nombreux qu'on ne peut les énumérer. Ce «fameux dîner» a soulevé l'ire des résidants de la cité qu'ils considèrent comme une insulte. Aussi, quelques dizaines d'entre eux ont quitté les lieux. Ils ont procédé à la fermeture de la route qui mène à la gare routière de Ben Omar. «Les fonctionnaires ont refusé d'accomplir leur tâche», accuse Sofiane, étudiant en 2e année. Echange de mots provocateurs...et d'injures. La perturbation a été totale. Des cris assourdissants, des jets de pierres... Les étudiants étaient prêts à tout pour que leurs revendications aient l'écho escompté. Ce ne sont pas les responsables concernés qui sont intervenus. «Ce sont des policiers qui ont tabassé plusieurs étudiants à l'intérieur même de la cité», dénoncent, à l'unisson quelques résidants rencontrés. Le sang a coulé. Le duel entre résidants et policiers a failli tourner au drame. Les esprits ne se sont calmés qu'à une heure tardive de la nuit. «Certains étudiants ont été acheminés vers des hôpitaux afin d'y subir des soins», précise un étudiant en 3e année de Chimie. «D'autres sont incarcérés», a-t-il précisé. Se sentant humiliés, voire agressés, les étudiants sont déterminés. Ils ne veulent pas se taire, quel que soit le niet qui leur sera opposé. Sur un écriteau posé juste à l'entrée de la cité, on peut lire: «Nous demandons la libération de nos frères détenus.» Le cri de coeur est unanime. Un sit-in était prévu hier à l'ENS pour dénoncer cette atteinte aux libertés individuelles. Les résidants de la cité ont décidé d'observer une journée de grève de la faim. Les cours risquent d'être paralysés. C'est une menace que brandit cette frange estudiantine. Voulant avoir d'autres informations, les portes de l'administration nous ont été fermées. «Il n'y a personne pour vous répondre», nous lance un agent.