Cette exposition bien originale et colorée se poursuit jusqu'au 3 mars, au premier étage du musée. Un constat qui vient nous frapper d'emblée. L'exposition ouverte depuis plus d'une semaine au Musée d'art moderne et contemporain (Mama) de Larbi Ben Mhidi a de singulier la richesse de ses démarches artistiques et techniques. Photographies, peintures et dessins, mais surtout des installations vidéos et plastiques subjuguent. Les visiteurs sont invités à découvrir diverses oeuvres d'art, produites par 26 artistes venus de huit pays arabes: Algérie, Egypte, Emirats arabes unis, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine et Tunisie. Pour la commissaire de cette exposition, Nadira Laggoune, il ne peut être question d'art au «féminin» tant cette étiquette tendrait à dire que l'art est sexué. Ce qui est faux d'après elle. «En fait, sous l'étiquette "art de femmes", il y autant d'approches artistiques et de possibilités d'expressions qu'il y a d'artistes (...) Accepter cette expression conduirait à valider/cautionner, non seulement une différence, mais aussi une hiérarchie et une sexualisation de l'art, laquelle continue, quoi qu'on en dise, à imprégner les schèmes de pensée puisque, aujourd'hui encore, l'art par les femmes est considéré comme inférieur à celui des hommes.» Et de reconnaître tout de même, un peu plus loin: «Nous pouvons considérer que la société d'aujourd'hui n'est plus caractérisée par l'art féminin, même si le statut de femme, parfois de par les conditions particulières qu'elle vit, déteint sur celui de l'artiste, ce qui n'est pas propre à la femme artiste arabe (...) Cette charge qui vient s'ajouter à celle du statut de femme artiste suppose la prise en charge, consciente ou pas, délibérée ou fortuite, d'un discours bâti autour d'une actualité souvent douloureuse et d'une culture riche en apports historiques successifs. Elle alourdit et enrichit à la fois la dimension même de l'artiste.» De notre point de vue, cette charge, issue de la sensibilité de cette artiste, n'est pas moins du ressort du féminin. Car comment expliquer ces visions nettement distinctes de ces installations qui, à regarder de près, ne peuvent être que le fruit d'une femme, illustrant ainsi ses inquiétudes et préoccupations comme le statut de la femme au Moyen-Orient ou dans les pays arabes, le mariage, l'amour, l'enfermement...Tout semble converger vers cette subjectivité, à juste titre, dont il échoit dans certains cas d'affubler justement ces oeuvres de «féminines». Plus de douceur, de sensualité et d'émotion émanent incontestablement de cette exposition -et surtout de certaines de ces installations- qui, à notre sens, se nourrit de ce «féminin» qui lui correspond, même s'il est évident qu'il n'est pas interdit à un homme de traiter de ces sujets de quelque angle que ce soit et selon ses libres choix d'interprétation. Bref, cette exposition des plus colorées, sensorielles, nous plonge dans un beau royaume, non pas édulcorée, pas toujours feutré et loin du prisme «exotique» oriental dont certaines de ces artistes se méfient justement, comme l'a si bien souligné Nadira Laggoune, mais un royaume intelligent, mû par de profondes réflexions et un dynamisme bourré de créativité. Notons que cette exposition ouverte jusqu'au 2 mars fut l'occasion d'inaugurer le premier étage du musée au même moment que se poursuit celle des photographes contemporains arabes.