Le Parlement kosovar a franchi hier le Rubicon en proclamant l'indépendance de cette province serbe. Les Albanais du Kosovo ont réalisé, hier, le rêve de plusieurs générations avec la proclamation de leur indépendance, porteuse pour eux d'immenses espoirs, tandis que la minorité serbe menace, de fait, d'une sécession. Le Parlement du Kosovo, réuni en session plénière extraordinaire, a proclamé l'indépendance de la province du sud de la Serbie à majorité albanaise. «A partir de maintenant, le Kosovo a changé de position politique, nous sommes désormais un Etat indépendant, libre et souverain», a déclaré le président du Parlement Jakup Krasniqi après le vote de la Déclaration d'indépendance lue par le Premier ministre kosovar Hashim Thaçi. Cette indépendance, qui sera sous supervision internationale, devrait être reconnue rapidement par les Etats-Unis et plusieurs grands pays de l'Union européenne, mais elle a été rejetée d'avance par la Russie et la Serbie. La nouvelle a été accueillie par des hourras dans les rues. La fièvre s'est emparée de Pristina, qui vibre aux cris de «Indépendance», dans des concerts de klaxons et de pétards. Des dizaines de milliers de Kosovars, habitants de la capitale ou venus de province, arborant le drapeau albanais -aigle noir bicéphale sur fond rouge- mêlé à celui des Etats-Unis, ont envahi les rues. «C'est dingue, c'est arrivé! On l'a fait!», s'est écriée abasourdie de joie Rina Meta, journaliste de 22 ans. La proclamation d'indépendance du Kosovo est la dernière étape en date dans le processus de démantèlement de la Yougoslavie de six Républiques de Tito. Depuis 1991, la Slovénie, la Croatie, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro ont déclaré leur indépendance. Le Kosovo devrait être rapidement reconnu indépendant par les Etats-Unis, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie. Mais Belgrade, soutenu par Moscou, et les Serbes du Kosovo (un peu moins de 10% de la population) y sont opposés. «Je n'abandonnerai jamais la lutte pour notre Kosovo», a juré le président serbe Boris Tadic. Par avance, la Serbie a «annulé» toute décision «illégale» des autorités kosovares conduisant à une indépendance et prévenu qu'elle s'y opposerait par «toutes les mesures diplomatiques, politiques et économiques». Aussitôt après la proclamation, M.Tadic a répété que «la Serbie ne reconnaîtra jamais l'indépendance du Kosovo». Réalisant le vieux rêve des Albanais du Kosovo, M.Thaçi s'est aussi personnellement engagé à garantir la sécurité des Serbes. «Nous fermons le chapitre du passé et ouvrons le chapitre de l'avenir, le Kosovo est la patrie de tous ses citoyens», a-t-il dit. L'indépendance du Kosovo, coordonnée avec les Occidentaux, se fera sous supervision européenne. M.Thaçi a confirmé sa «promesse» en ce sens et souhaité la «bienvenue» à une mission de l'UE qui va se déployer pour encadrer les premiers pas du Kosovo indépendant. L'UE est divisée sur l'indépendance et les ministres des Affaires étrangères des Etats membres devraient simplement «prendre note» aujourd'hui de la proclamation. La majorité sont prêts à reconnaître le Kosovo indépendant. Mais craignant que cela n'encourage les séparatismes, six Etats (Chypre, Grèce, Espagne, Bulgarie, Roumanie, Slovaquie) devraient s'abstenir, du moins dans un premier temps. Malgré ces divisions, l'UE a décidé, sans l'aval de l'ONU, de déployer au Kosovo une mission de quelque 2000 policiers et juristes pour «accompagner» les débuts de l'indépendance du Kosovo.