La Serbie a voté hier lors d'une présidentielle cruciale pour son avenir et qui oppose un pro-européen à un ultranationaliste, alors que la province du Kosovo doit proclamer prochainement son indépendance. Largement favoris, le président sortant Boris Tadic, 50 ans, un réformateur pro-européen et l'ultranationaliste eurosceptique Tomislav Nikolic, 55 ans, sont au coude à coude dans les sondages devant sept autres candidats. Mais aucun des deux ne semble en mesure d'obtenir plus de 50% des voix et ils devraient donc disputer un second tour le 3 février. En Serbie, le pouvoir du chef de l'Etat est limité, et son rôle est symbolique. Les quelque 6,7 millions d'électeurs doivent donc choisir s'ils veulent donner de leur pays une image d'ouverture vers l'Europe ou d'un retour à l'isolement que la Serbie a connu sous le régime autoritaire de Slobodan Milosevic. « Je suis sûr que la Serbie restera sur son chemin européen parce que c'est l'avenir du pays et en particulier de la jeune génération », a dit M. Tadic après avoir voté. M. Tadic, du Parti démocrate (DS) est, comme la quasi-totalité des politiciens serbes, opposé à l'indépendance du Kosovo à laquelle la majorité des pays de l'Union européenne (UE) est favorable. Mais il a promis que la Serbie obtiendrait dès cette année le statut de candidat à l'UE. Son adversaire ultranationaliste a, en revanche, souligné ses sentiments russophiles et son euroscepticisme. « Pour nous, la Russie est plus proche. Mais si l'Europe veut ouvrir ses portes et ne pas mettre d'obstacle, nous serons heureux de l'accepter », a dit M. Nikolic à la sortie d'un bureau de vote. M. Nikolic du Parti radical serbe (SRS, ultranationaliste), le plus représenté au Parlement, considère que la Serbie doit renoncer à l'Europe si le Kosovo devient indépendant. « J'ai voté pour celui qui donnera un avenir meilleur à nos enfants », déclarait à la sortie d'un bureau de vote Nada Jaukovic, 78 ans, alors que le niveau de vie en Serbie, où le salaire moyen ne dépasse pas 400 euros par mois, a aussi été un thème important de la campagne. L'enjeu du Kosovo Les Occidentaux espèrent la victoire de M. Tadic qui semble le plus à même de résister à une prévisible poussée nationaliste en Serbie lorsque les leaders albanais du Kosovo proclameront, peut-être dès le mois prochain, l'indépendance de la province serbe, administrée par l'ONU depuis 1999. Belgrade a reçu le soutien de Moscou dans son opposition à l'indépendance d'une province que les Serbes considèrent comme le berceau de leur histoire et de leur culture. Après l'échec de leurs négociations avec les Serbes sur le statut du Kosovo, dont la population de 2 millions d'habitants est albanaise à 90%, les leaders kosovars ont annoncé qu'ils proclameraient unilatéralement leur indépendance. Alors que les Serbes du Kosovo votaient hier pour la présidentielle, les Albanais y étaient complètement indifférents. Ces élections « n'auront aucun impact sur le Kosovo. Nous avons notre propre voie », a déclaré le Premier ministre kosovar Hashim Thaçi. Les Kosovars ont le soutien des Etats-Unis et de la majorité des pays de l'UE qui doit envoyer prochainement au Kosovo une mission pour relever celle de l'ONU qui gère le Kosovo depuis la fin du conflit de 1998-1999. Belgrade a paraphé en novembre, avec Bruxelles l'accord de stabilisation et d'association, premier pas vers l'intégration à l'UE et M. Tadic souhaite le signer aussi vite que possible. Mais certains pays de l'UE insistent pour que la Serbie arrête auparavant les fugitifs inculpés de crimes de guerre, en particulier l'ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic. « Solution négociée » La voie des négociations dans le règlement du statut du Kosovo, qui cherche à obtenir son indépendance à l'égard de la Serbie, n'est pas encore épuisée, considère le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Kisliak, a rapporté hier l'agence russe Ria Novosti. « Nous sommes convaincus qu'une résolution concertée du problème du statut du Kosovo peut encore être atteinte par la voie de négociations », a-t-il déclaré à Moscou, au cours d'une conférence intitulée « Sécurité nationale de la Russie à l'étape actuelle ». Le président russe Vladimir Poutine a déclaré vendredi qu'il était opposé à une déclaration unilatérale, la qualifiant d'« illégale et immorale », alors que celle-ci est considérée comme inéluctable par la diplomatie américaine.