Depuis 1999, soit depuis la guerre perdue par la Serbie contre l'OTAN, intervenue aux côtés de la minorité kosovare, on ne compte plus les coups d'éclat ou encore les mises en garde contre toute action unilatérale. La Serbie, soumise par l'UE à un incroyable marchandage du donnant donnant, afin qu'elle renonce à sa souveraineté sur ce qu'elle considère comme une de ses provinces, persiste dans son refus et elle compte en cela sur l'aide de la Russie, alors que les jeux semblent faits. C'est un compte à rebours qui est enclenché et, très probablement, le Kosovo proclamera son indépendance dimanche prochain. A l'approche de cette date et surtout de cette échéance qui parait inéluctable, la Russie et la Serbie ont demandé, hier, une réunion d'urgence « dans les tout prochains jours » du Conseil de sécurité des Nations unies sur la probable déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo, a-t-on indiqué de sources russe et européenne. « Nous espérons qu'une réunion du Conseil de sécurité aura lieu dans les tout prochains jours », a déclaré Alexandre Botsan-Khartchenko, négociateur du ministère russe des Affaires étrangères en charge des Balkans. La commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero Waldner, a confirmé que Belgrade et Moscou ont demandé une telle réunion « urgente » du Conseil de sécurité, concernant le Kosovo, précisant qu'ils en ont fait la requête « pour (aujourd'hui, ndlr) jeudi ».La commissaire européenne s'exprimait avant une rencontre entre la troïka de l'Union européenne (UE) et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, prévue dans la matinée près de Ljubljana. Cette réunion entre l'UE et un haut responsable russe, qui s'inscrit dans un calendrier de consultations régulières, devait être justement consacrée à la question du Kosovo. « Nous espérons que nous serons capables de convaincre la Russie que le statu quo n'est pas acceptable », a indiqué la commissaire avant l'entrevue avec le chef de la diplomatie russe. Moscou soutient Belgrade sur le refus de l'indépendance, déclarée unilatéralement, de la province serbe, car cela violerait, selon eux, la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU. Cette résolution, approuvée à la fin de la guerre du Kosovo (1998-1999) entre troupes serbes et Kosovars Albanais, accordait une « autonomie substantielle » à la province sous souveraineté serbe et décidait la mise en place d'une mission de paix menée par les Nations unies et l'OTAN. L'Union européenne, dont les 27 Etats membres n'ont toujours pas réussi à s'entendre sur une position commune de reconnaissance unanime du Kosovo lorsqu'il aura déclaré son indépendance, a cependant déjà prévu d'y déployer une mission de quelque 2000 policiers et juristes pour accompagner la province vers l'indépendance. Aucune date n'a cependant été fixée pour son départ vers le Kosovo. La commissaire européenne a souligné que la mission européenne serait déployée dans le cadre de la résolution 1244. « C'est très clair pour nous au sein de l'UE que la base juridique (de la mission, ndlr) est la résolution 1244 », a-t-elle précisé. Du point de vue de Belgrade, la résolution 1244 garantit l'intégrité territoriale de la Serbie et toute déclaration unilatérale d'indépendance équivaudrait à une violation de ce texte adopté par les Nations unies. Le Premier ministre serbe nationaliste, Vojislav Kostunica, a réaffirmé, mardi, que la Serbie « annulerait » cette proclamation. Le président Boris Tadic a averti que « les relations ne seraient plus les mêmes avec les pays qui reconnaîtraient le Kosovo ». Près de voir se réaliser un rêve pour les Albanais du Kosovo, le Premier ministre kosovar, Hashim Thaçi, a promis une « nouvelle réalité » et répété que la sécurité des Serbes et des autres minorités serait garantie dans un Kosovo indépendant. M. Thaçi a indiqué à plusieurs reprises que le processus menant à la déclaration d'indépendance était géré « en coordination » avec Washington et l'UE. Parmi les scénarios possibles figure une sécession du nord du Kosovo, où vivent 40 000 des 100 000 Serbes présents dans la province, des violences ou des provocations dans les deux camps. « Il y aura des coups de feu si les Albanais tentent d'exercer leur pouvoir sur le Nord », a estimé un des leaders des Serbes du Kosovo, Oliver Ivanovic. A Pristina, la population attend avec excitation le jour J, espérant que l'indépendance apportera emplois, investissements et intégration à l'UE. Mais cela reste une perspective optimiste, car le pire qui reste à définir, existe. Il n'est d'ailleurs pas exclu au moins par ceux des Etats européens qui refusent de reconnaitre le futur Etat, s'il venait à être proclamé.