«Le premier instrument du génie d'un peuple est sa langue», disait l'écrivain français Stendhal... Sous le slogan «Les langues, ça compte!», l'Unesco a lancé l'Année internationale des langues, coïncidant avec la Journée internationale de la langue maternelle, célébrée chaque 21 février depuis l'an 2000. «Loin de constituer un espace réservé à l'analyse des spécialistes, les langues sont au coeur de toute vie sociale, économique et culturelle», a souligné le directeur général de l'Unesco, M.Koïchiro Matsuura, dans un message rédigé à l'occasion de cette journée. Selon l'Unesco, «vecteurs essentiels de l'identité des groupes et des individus», les langues ne sont pas logées à la même enseigne. On estime, en effet, que plus de 50% des quelque 6700 langues parlées dans le monde sont menacées de disparition à terme et qu'en moyenne, une langue cesse d'être parlée tous les quinze jours. Chez nous, en Algérie, le cas patent est le tamazight et ses indiums qui sont marginalisés aux côtés de la langue arabe, officielle, car considérée comme langue nationale selon l'institution. Evoquant dans un dossier le sort de la population immigrée, l'Unesco fait état de la perte progressive de sa langue maternelle au profit de la langue dominante. Les plus grosses communautés issues de l'immigration sont d'origine turque et maghrébine et qu'elles vivent en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Les politiques actuelles des pays occidentaux élaborent des lois qui durcissent les conditions d'immigration et introduisent des tests de langue et de culture, relève un autre article, déplorant que «seulement, à l'arrivée, on essaie d'effacer de leur tête la langue maternelle pour peu qu'elle soit considérée comme une langue mineure» Un autre article cible la problématique de la langue pour les immigrés qui, dit-on «doivent s'adapter à la vie d'une nouvelle société». Sur ce point, la romancière afghane Spôjmaï Zariab ressent qu'une «séparation brutale du contexte linguistique et culturel évoque l'image d'un arbre coupé un beau jour pour être planté dans une autre terre». Il est effectivement navrant de constater que la plupart des immigrés quand ils partent, jeunes, à l'étranger, perdent souvent leur langue maternelle, par la force de ce mécanisme d'absorption ou d'intégration sociale...Il en est de pire encore pour les enfants de ces populations issus de l'immigration qui grandissent en général avec cette carence, autrement de ce manque de maîtrise de la langue maternelle. Aussi, «priver l'enfant immigré de sa langue maternelle, c'est créer une situation de conflit entre le modèle familial et le modèle social» et «si sa langue et sa culture étaient respectées par le système scolaire, il développerait une meilleure estime de lui-même et des autres», est-il écrit dans un des nombreux articles de la revue de l'Unesco qui consacre un dossier spécial sur le patrimoine linguistique mondial. «On estime qu'en 2000, plus du tiers des citadins de moins de 35 ans vivant en Europe de l'Ouest étaient issus de l'immigration», explique l'Unesco, l'auteur de l'article, le psycholinguiste franco-serbe Ranka Bijeljac-Babic rapporte un peu plus loin: «Le développement cognitif, scolaire et social des enfants qu'on ne forcerait pas à parler français à la maison serait compromis, car ils auraient inévitablement des troubles du langage, conduisant à des troubles de conduite, débouchant ultérieurement sur la délinquance!» Le psycholinguiste estime ainsi le fait que «les politiques actuelles des pays occidentaux élaborent des lois qui durcissent les conditions d'immigration et introduisent des tests de langue et de culture (à) n'est pas absurde» mais «seulement, à l'arrivée, on essaie d'effacer de leur tête la langue maternelle pour peu qu'elle soit considérée comme une langue mineure». Il évoque alors un rapport français concernant la sécurité intérieure (octobre 2004), déclarant «pour les enfants de 1 à 3 ans, seuls les parents, et en particulier la mère, ont un contact avec leurs enfants. Si ces derniers sont d'origine étrangère, elles devront s'obliger à parler le français dans leur foyer pour habituer les enfants à n'avoir que cette langue pour s'exprimer». N'approuvant pas cette méthode, il conclut: «Cette position absurde (du rapport) reflète une méconnaissance flagrante du développement du langage et du rôle de la langue maternelle dans la construction psychique, cognitive et culturelle d'un individu». En effet, l'aliénation, méthode chère au système colonisateur, serait-elle en effet le meilleur moyen pour s'intégrer? Pas si sûr, non! «Le premier instrument du génie d'un peuple est sa langue», disait l'écrivain français Stendhal, le lui enlever serait donc un délit répréhensible.