Bien que comptant plus de 10.000 habitants, Bétrouna ne dispose, à ce jour, d'aucun lycée. Située au flanc de la montagne, à 4km à la sortie ouest de la ville de Tizi Ouzou, Bétrouna est une localité pauvre. Ses jeunes font quotidiennement face à une multitude de maux. Bien que relevant de la commune de Tizi Ouzou, une des plus favorisées de la wilaya, Bétrouna reste ainsi une localité enclavée. Elle compte pas moins de 10.000 habitants, dont la majorité est jeune. Le manque apparent de transport en commun pénalise en premier lieu les écoliers. C'est ce que l'on peut constater en se rendant dans la région. On peut attendre jusqu'à une heure de temps, même plus, pour voir un minibus se présenter à l'arrêt. En matière d'établissements scolaires, Bétrouna ne dispose d'aucun lycée. «Nous n'avons que ce petit CEM, dont la capacité ne dépasse pas 500 élèves!», témoigne un parent d'élève agacé par cette situation. Les écoliers souffrent au quotidien, compte tenu du manque de transport privé et de l'absence totale de bus de ramassage scolaire. Ainsi, les potaches sont obligés de se réveiller très tôt, à 5h du matin, pour s'assurer une place dans le bus. Le même scénario se répète le soir au retour vers la maison. «Souvent, nous sommes bloqués en ville faute de transport pour rentrer chez nous», témoigne un lycéen. Le problème devient plus compliqué pour les jeunes filles lycéennes qui subissent directement cette situation. «Nos parents vivent dans la peur quotidienne, surtout avec la détérioration de la situation sécuritaire ces derniers temps.» Cette peur est encore plus grande durant l'hiver car les journées sont courtes et la nuit tombe rapidement. Certains parents pensent parfois mettre fin à ces inquiétudes au prix même d'un abandon des...études pour leurs filles! Ammi Saïd, un des habitants du village de Tisselnine, témoigne qu'il a deux enfants écoliers qui font la navette chaque jour. «Pour le garçon, je ne m'inquiète pas. Mais j'éprouve de la peur quant à ma fille qui rentre souvent tard.» Face à ce problème, les habitants de cette localité ont saisi, dit-on, les responsables locaux en exigeant la construction d'écoles, en vain. Il n' y a même pas un terrain de football Les responsables de la wilaya prétextent souvent le problème du foncier et les habitants entendent toujours la même rengaine: «Il n'y a pas d'assiette foncière pour construire une école». Pourtant, un bénévole a mis à la disposition de la wilaya un terrain pour la réalisation de ce projet, et cela, depuis déjà 10 ans. «J'ai mis ce terrain à la disposition de la wilaya pour la construction d'un lycée, malgré cela, aucune suite n'a été donnée», nous a précisé Slimane Oukaci, le propriétaire du terrain. Mais il n' y a pas que le problème de l'assiette foncière, il n' y a pas que le problème de l'école. Bien plus, la liste des manques est longue, même trop longue pour ces habitants à la lisière de la civilisation. La population de Bétrouna fait face à une multitude de problèmes dont le chômage et le manque d'infrastructures. Le phénomène du chômage prend des proportions alarmantes. Près de 90% des jeunes n'on pas de travail. Et ceux qui travaillent ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale. Pis encore, ils risquent à chaque instant de perdre leur emploi car ils travaillent sans contrat. Certains vont jusqu'à risquer leur vie pour quelques dinars. «Notre commune est très riche, mais nous n'avons rien ici», nous confient, dépités, des jeunes attablés dans un café de la commune. La route, l'eau et le gaz La localité ne dispose même pas d'un terrain de football. «Il y a plus de 30 villages ici, et je ne sais combien de jeunes. Pour jouer un match de football, il faut redescendre jusqu'en ville? C'est pas normal tout ça», proteste Saïd, un chômeur à la limite du désespoir. «En ville, chaque quartier est doté d'une infrastructure de détente, un stade, un jardin ou autre. Chez nous, il n'y a rien!» renchérit un autre jeune. Face à la malvie, les jeunes trouvent refuge dans la drogue. Ce fléau par ailleurs nouveau, n'épargne personne.Tous les jeunes s'adonnent presque à cette substance à effets néfastes. Les conséquences sont vite apparues: la criminalité a pris des proportions alarmantes ces dernières années. C'est en somme le mal-vivre au quotidien. La population de cette partie de commune de Tizi Ouzou souffre, chaque hiver, du manque de gaz. Si ce dernier est disponible en bonbonnes, il se vend au marché noir. «En hiver, on achète la bouteille de gaz à 250 dinars dans un pays producteur de gaz», se plaint un villageois désabusé. C'est dire qu'à quelques encablures du chef-lieu de la capitale de la Kabylie, il n'y a pas de gaz de ville. Pourtant, c'est par Bétrouna que passe le réseau de gaz de ville qui alimente les régions avoisinantes. Ahmed, fonctionnaire, ne comprend pas pourquoi sa localité est lésée à ce point: «Il y a des villages qui sont alimentés en gaz de ville malgré la difficulté de la configuration des terrains, par contre, ici, on a une conduite qui passe à proximité et on n'est toujours pas raccordé au gaz de ville.» «Les autres localités de la commune de Tizi Ouzou qui ne sont pas alimentées sont toutes inscrites dans le programme 2008, sauf notre région», poursuit-il. Enervé, notre témoin ajoute qu'«on souffre du manque de gaz malgré la présence de cette conduite. En été, c'est un autre problème. Vous voyez là-bas? en nous montrant une station de pompage d'eau potable, elle alimente plusieurs grandes localités sauf la nôtre qui souffre le martyre en été». Il n'y a pas que l'eau et le gaz, le réseau routier est, lui aussi, défectueux. L'état de la route reliant Bétrouna à la ville de Tizi Ouzou est dégradé, et ce, malgré son revêtement, d'il y a deux ans. Cela est dû à la suppression des avaloirs, après les travaux d'installation de l'assainissement sur cet axe. L'entreprise en charge des travaux d'assainissement a causé des dégâts sur cette route sans pour autant la réparer. Le laisser-aller des autorités communales a davantage aggravé la situation. Il y a eu de nouvelles élections, un nouvel exécutif a été installé et les habitants de Bétrouna endurent toujours les mêmes problèmes.