Ils ont pourtant payé leurs habitations rubis sur l'ongle. Les bénéficiaires des logements LSP au niveau de Bab Ezzouar, à l'est de la capitale, ne savent plus à quel saint se vouer. Ils s'estiment victimes «d'injustice et de mépris». Bien que le promoteur immobilier soit en congé de maladie, ils viennent crier leur ras-le-bol depuis plusieurs mois devant le portail de l'Eplf de Béjaïa, qui a réalisé le projet. Ce chantier, fait-on savoir, était à l'abandon depuis les années 80. Aujourd'hui qu'il est fin prêt, ces citoyens veulent leurs habitations qu'ils ont réglé rubis sur l'ongle grâce à un montage financier qui consiste en un apport personnel, une aide de la Caisse nationale du logement (CNL) et un crédit auprès de la Cnep banque. Depuis deux mois, les bénéficiaires de ces logements buttent sur le refus du directeur commercial de l'Eplf qui refuse d'accueillir les représentants des familles, prétextant moult raisons. Or, les concernés viennent réclamer leur bien les jours de réception, à savoir dimanche et mercredi. Jusqu'à récemment, le statu quo perdure. Des familles entières se sont déplacées sur les lieux pour qu'on leur remette les clés des logements ou juste pour voir le directeur commercial afin d'avoir des explications, en vain. Selon les agents de sécurité que certains ont approchés, le responsable commercial aurait donné des instructions fermes pour ne laisser entrer personne au risque de se voir sanctionné. «On vous appellera!» c'est les trois seuls mots auxquels ont droit les bénéficiaires de ces logements en guise d'explications alors que, légalement, ils sont propriétaires et se sont acquittés des frais notariaux depuis le mois d'août de l'année dernière. Les «contestataires» n'hésitent pas à parler de «passe-droits et de politique des deux poids, deux mesures» pratiqués par le service commercial puisque, soutiennent-ils, nombre de bénéficiaires dans le même cas, habitent déjà depuis longtemps ces appartements qui relèvent de l'APC de Bab Ezzouar. Le drame, soulignent d'autres familles, c'est que le remboursement des prêts contractés auprès de la Cnep commencera incessamment, alors qu'ils n'occupent pas encore leurs logements. «C'est une situation kafkaïenne», s'est insurgée hier une vieille dame qui a éclaté en sanglots et qui jure que ses affaires sont dans la rue. Malgré le poids des années, la vieille dame n'a pas été «autorisée» à voir les responsables concernés. Contacté, un haut responsable au niveau du ministère de l'Habitat soulignera clairement que son département n'a aucun pouvoir ni aucun droit de regard sur les Eplf et recommande de voir plutôt du côté des SGP. «C'est l'une des plus grandes aberrations contenues dans la réglementation en matière d'habitat en Algérie», nous a confié hier un responsable qui a requis l'anonymat tout en s'interrogeant sur le rôle régulateur de l'Etat. Le même responsable expliquera que l'image de l'Etat, qui a consenti pourtant des milliards de dinars pour atténuer la crise du logement en Algérie, est très souvent ternie par des comportements de certains fonctionnaires relevant du secteur public, comme c'est le cas à Bab Ezzouar ou ailleurs à travers le pays. Selon lui, il existe en matière de logements en Algérie un manque de cohérence et de bon sens dans l'action des pouvoirs publics. Ce qui fait craindre que la tension perdurera même si des millions de logements sont construits.