«Il faut mettre en avant des projets concrets, touchant directement les populations», estime le délégué général de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen. Annoncé en fanfare par le président français, Nicolas Sarkozy, le projet de l'Union méditerranéenne semble rester au stade embryonnaire. Sans ménagement, certains le qualifient de «glissement sémantique qui n'est pas neutre». Quelle est la pièce manquante pour que le puzzle de Nicolas Sarkozy soit donc au complet? «Pour réussir l'UPM (l'Union pour la Méditerranée, Ndlr) il faut donner la priorité à l'économie, mettre en avant des projets concrets, touchant directement les populations» estime Jean-Louis Guigou, délégué général de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen. Dans un entretien accordé à l'APS, M.Guigou axe sa vision sur «le tout économique». Suivant l'argumentaire de cet économiste, l'Union méditerranéenne ne peut se concrétiser que si la population «accède à l'eau et traitement des eaux usées, développement rural et pacte agroalimentaire méditerranéen pour faire face, ensemble, aux défis de la mondialisation et de la libéralisation des échanges agricoles». Pour M.Guigou, «il s'agit aussi de concrétiser une politique concertée de l'énergie, à la fois pour sécuriser les approvisionnements au Nord et au Sud, pour assurer les débouchés aux pays producteurs, et pour généraliser la notion d'efficience énergétique, la constitution d'un espace financier méditerranéen intégré(...)». A la lecture des propositions du Délégué général de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen, on s'aperçoit que la réussite d'une «Union méditerranéenne» ne peut se faire qu'avec la réussite des projets économiques, qui «devront» être mis en place. Quant à la méthode à utiliser, elle, est simple: «Concevoir ces projets et ces politiques de manière paritaire, afin d'éviter la dissymétrie qui aura tant freiné Barcelone. Ce qui signifie aussi de financer ces projets de manière paritaire». Néanmoins, la problématique à laquelle fait face le projet «sarkozien» est bien plus délicate que tout partenariat économique, aussi important soit-il, qui ne peut le concrétiser. D'autant plus que son concepteur n'a, pour le moment, pas donné ses contours. Le projet est en effet vague, voire opaque. Il est d'autant plus vague que certains observateurs le qualifient d'utopique. A juste raison d'ailleurs, puisque le projet de l'Union méditerranéene doit théoriquement réunir l'ensemble des pays du pourtour de la Méditerranée autour des mêmes aspirations. Tel n'est pas le cas sur le terrain où les intérêts des uns s'opposent aux visées des autres. On entend parler ici, entre autres, des conflits opposant certains pays de la région, notamment avec l'Etat hébreu. Adhérer au projet du chef d'Etat français signifie, pour les pays de la rive sud de la Méditerranée, reconnaître Israël. Ce que les pays concernés n'entendent pas faire avant que Israël n'évacue les territoires occupés. C'est la condition sine qua non exigée, de prime abord, pour la normalisation des relations avec l'Etat hébreu. Pour les observateurs, cette exigence est déjà en elle-même suffisante pour affirmer que l'idée, défendue bec et ongles par M.Sarkozy lors de la campagne électorale pour les présidentielles, n'est qu'un fantasme. Le «tout-économique», prôné par le délégué général de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen, ne trouvera certainement pas d'écho. Il faudra que le politique se prononce d'abord. Ensuite...on verra.