Après ses entretiens avec le président du conseil italien, Romano Prodi, qu'il a reçu à Paris le 28 mai, puis avec le président du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero en Espagne le 31 mai, Nicolas Sarkozy escompte l'accord des chefs d'Etat maghrébins à son projet. Un accord et une association sont indispensables pour que l'Union méditerranéenne puisse s'esquisser. Parmi les pays maghrébins, l'Algérie est considérée comme un partenaire de premier plan. Qu'est-ce que ce projet d'Union méditerranéenne ? C'est à Toulon, le 17 février, que le candidat à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy annonce le projet d'Union méditerranéenne. « Cette union aurait vocation à travailler étroitement avec l'Union européenne et à avoir un jour avec elle des institutions communes. Elle pourrait s'organiser autour de rencontres périodiques de ses chefs d'Etat et de gouvernement comme les grands pays industrialisés ont leur G8. Elle aurait un Conseil de la Méditerranée comme l'Europe a le Conseil de l'Europe. Les piliers de cet espace de solidarité et de coopération seraient une politique commune d'immigration concertée, le développement économique et commercial, la promotion de l'Etat de droit dans la région, la protection de l'environnement et le codéveloppement avec, par exemple, la création d'une Banque méditerranéenne d'investissement sur le modèle de la Banque européenne d'investissement », avait-il indiqué. Dix jours plus tard, lors de sa conférence de presse sur son programme de politique étrangère, le 28 février, le candidat Nicolas Sarkozy affirme que ce projet d'Union de la Méditerranée est à la fois « une méthode » pour atteindre les objectifs de politique étrangère qu'il assigne à sa présidence, en même temps que c'est « un objectif ». Une méthode comme l'a été la construction européenne après la Seconde Guerre mondiale. Faisant le constat de l'échec du processus de Barcelone, il a proposé de « prendre le problème autrement ». « C'est d'abord aux pays méditerranéens eux-mêmes de prendre en main la destinée que la géographie et l'histoire leur ont préparée. C'est à la France européenne et méditerranéenne à la fois de prendre l'initiative avec ses partenaires du sud de l'Europe, d'une Union méditerranéenne comme elle prit jadis l'initiative de construire l'Union européenne. » Quel rôle pour les pays du Sud ? Dans cette Union de la Méditerranée, la Turquie — dont il s'oppose à l'entrée dans l'UE, parce que, selon lui, non européenne — « trouverait tout naturellement sa place ». « La Turquie est un grand pays méditerranéen avec lequel l'Europe méditerranéenne peut faire avancer l'unité de la Méditerranée. » La tournée au Maghreb de Nicolas Sarkozy donnera des clés à ces interrogations. De même que les dirigeants maghrébins auront à se prononcer sur ce projet, sur ses mécanismes, ses modalités de fonctionnement et son contenu. « Pour nous, ce qui compte, c'est que l'ensemble des pays de la Méditerranée prennent conscience que leur destin est lié. C'est cela qui compte. Ensuite, que l'ensemble des pays du nord et du sud de la Méditerranée se mettent d'accord sur une méthode pour se parler et après, pour décider. Troisièmement, mais troisièmement après, il faudra choisir les thèmes », a souligné Nicolas Sarkozy dans une conférence conjointe avec le président du Conseil italien. « Peut-être faudra-t-il prendre les thèmes les plus consensuels. Je m'explique : si on veut vraiment l'Union de la Méditerranée… il vaut mieux commencer par l'ambition de l'environnement et de la sauvegarde de la mer Méditerranée. Aucun pays riverain de la Méditerranée ne peut être contre ce thème, et il vaut mieux cela que de commencer par des thèmes qui peuvent être aussi nécessaires, mais plus difficiles comme l'immigration, la sécurité, la lutte contre le terrorisme. » Pour Nicolas Sarkozy, c'est aussi dans le cadre de l'Union méditerranéenne qu'il faudrait concevoir une « politique commune d'immigration choisie ». Chaque pays fixerait chaque année le nombre d'étrangers qu'il peut accueillir et une « charte » définirait « clairement les principes de l'entrée et du séjour des étrangers dans les pays d'accueil ». L'Union européenne remplacera-t-elle la politique européenne de voisinage par l'Union méditerranéenne pour les pays sud-méditerranéens ? L'Union méditerranéenne sera-t-elle une institution parallèle à l'UE ? Que faire du processus de Barcelone ? Que faire des questions d'histoire qui divisent ? Des questions politiques fondamentales à régler comme la paix au Proche-Orient ? Ce projet ne vise-t-il pas à régler le cas de la Turquie en lui signifiant que, si elle n'a pas sa place en Europe, elle pourrait être l'un des « pivots » de l'Union méditerranéenne ? Le délégué général de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen, Jean-Louis Guigou, part du constat que la géopolitique moderne, depuis la chute du mur de Berlin, se fait sur de grands blocs régionaux, « des blocs très intégrés fondés sur la proximité et la complémentarité ». Pour les pays des deux rives de la Méditerranée, « c'est une question de survie », a soutenu le délégué général de l'IPEMed, lors d'une conférence au centre d'accueil de la presse étrangère. Il rappelle la déclaration du président Bouteflika, le 14 novembre, au ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy qu'il venait de recevoir : « Notre destin est lié, on ne peut rien contre les lois de la géographie. » Et d'affirmer : « Comme en réponse au président Bouteflika, le candidat à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, a répondu par son projet d'Union de la Méditerranée. » « L'économie prime sur le politique, je crois que l'économie est une condition nécessaire, mais non suffisante », soutient Jean-Louis Guigou. « Il faut qu'on s'associe, sinon ce sera le déclin au Nord et la pagaille au Sud. » « Il faut investir avec une sécurité législative. Au lieu de faire, par exemple, de la pétrochimie en France, on pourrait développer cette activité en Algérie, je crois à ces investissements croisés. »