Certains délégués des pays arabes doutent sérieusement quant aux bonnes intentions de Nicolas Sarkozy. Ce sera donc non. A Lisbonne, où se sont réunis depuis mardi les pays de l'Euromed, le projet de Nicolas Sarkozy dit d'Union méditerranéenne a été rejeté en bloc et n'a guère soulevé d'enthousiasme de la part des partenaires de la France au sein de l'Euromed. Un message clair et simple: «Ce projet ne doit pas abolir ce que nous construisons avec le projet Euromed.» La commissaire européenne aux Affaires extérieures, Benita Ferrero-Waldner, était la première à désavouer le président français. Les délégués des pays de l'Euromed se sont portés partisans de son avis et ont préféré évoquer une «coopération renforcée» entre les deux rives de la Méditerranée sur la base des mécanismes déjà existants. En d'autres termes, nul ne risque de reconstruire à zéro sur des bases si fragiles. Benita Ferrero-Waldner a estimé que l'idée d'une Union méditerranéenne «est intéressante si elle apporte une valeur ajoutée, si elle vient renforcer le processus Euromed». Et d'avertir, sur sa lancée, que «nous avons déjà deux processus auxquels il ne faut pas toucher, car ils ont fait la preuve de leur vitalité». C'est ainsi que la commissaire européenne a rendu sa position plus lisible aux yeux du président français, initiateur du projet controversé de l'Union méditerranéenne. Elle s'agrippe, comme plusieurs autres délégués présents, au partenariat euro-méditerranéen (Euromed), lancé en 1995 à Barcelone, regroupant les 27 membres de l'Union européenne et ses 10 partenaires méditerranéens (Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, Autorité palestinienne et Turquie), auxquels se sont jointes, mardi, l'Albanie et la Mauritanie. Pour rappel, l'idée d'une Union méditerranéenne a germé en octobre dernier. Nicolas Sarkozy, alors fraîchement élu à la tête de l'Etat français, avait lancé une invitation aux chefs d'Etat de la Méditerranée, les conviant à une réunion en France, en juin 2008, pour jeter les bases «d'une Union économique, politique et culturelle». Contrairement à Benita Ferrero-Waldner qui n'a pas osé «s'en prendre» directement à Nicolas Sarkozy, les délégués des pays de la rive Sud de la Méditerranée ont, quant à eux, sévèrement critiqué le président français. Ils ont surtout regretté le «flou» de la proposition française. Certains délégués de pays arabes doutent sérieusement quant aux bonnes intentions de Nicolas Sarkozy. «C'est une bonne idée. Mais qu'y a-t-il dedans?», a ainsi déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Abou El Gheit, a, quant à lui, déploré carrément que ce projet ait été «lancé sans consulter personne». Et d'ouvrir le feu ensuite à l'adresse du président français en qualifiant son idée de «simple vue de l'esprit». Tout cela est survenu en l'absence du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. C'est l'ambassadeur français qui s'offre la mission de piloter le projet. Alain Le Roy en a fait une «présentation succincte» et a déclaré qu'«il ne s'agit pas d'un projet parallèle au processus de Barcelone, mais plutôt qui s'articule avec Barcelone». Ce n'était pas suffisant pour convaincre, et les représentants des pays arabes et les délégués européens. Outre le risque de concurrence avec l'Euromed, plusieurs pays se sont inquiétés de l'éventuelle création d'une structure en dehors de l'UE. Le «gros problème» de l'initiative française serait son financement, a ainsi estimé aussi le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn. «Si l'UE finance, il faut que tous les Etats de l'UE soient associés», a-t-il noté. Lors de l'adoption des conclusions finales de la nouvelle session de l'Euromed, le projet de Nicolas Sarkozy a été complètement écarté de la mise. Les ministres des Affaires étrangères des pays participants ont réaffirmé, comme d'une seule voix, leur «fort attachement» à l'Euromed, qui joue un «rôle central» dans les relations de l'Union européenne avec les pays de la Méditerranée, tout en reconnaissant la nécessité de «consolider le processus». Benita Ferreiro-Waldner a reconnu qu'en dépit des progrès, «le partenariat euro-méditerranéen n'avait pas encore réalisé tout son potentiel, en grande partie en raison du conflit au Proche-Orient». Le chef de la diplomatie algérienne a d'ailleurs développé les mêmes idées qui tournent autour de la nécessité «d'approfondir et d'enrichir» le partenariat euro-méditerranéen en raison des «multiples pesanteurs» auxquelles il fait face. Incompatible donc le «fantasme» de Nicolas Sarkozy avec les avis de ses partenaires méditerranéens. Un coup dur. Mais surtout un énième échec sur le plan de sa politique étrangère.