Il est probable que la séance de demain devant pourvoir le poste de président, toujours vacant, soit reportée à une date ultérieure. Les milieux politiques libanais demeuraient hier pessimistes quant à une éventuelle sortie de crise par l'élection d'un président de la République, dont le poste est vacant depuis le 24 novembre dernier, fin du mandat du président Emile Lahoud. La session du Parlement convoquée pour demain a de forte chance d'être marquée par le 16e report du scrutin, selon des sources proches des députés libanais. Affirmatif, le député du Hezbollah, Hassan Hoballah, a indiqué hier que «la session de mardi sera retardée, comme toutes les sessions précédentes», faute, selon lui, d'accord entre l'opposition prosyrienne et la majorité parlementaire soutenue par l'Occident. Renchérissant sur son collègue du Hezbollah, le député de la majorité, Wael Abu Faour, a aussi estimé ne pas s'attendre à un vote demain, «car on se heurte toujours aux mêmes obstacles» et d'ajouter, «il y a des efforts en cours de la partie arabe, mais jusqu'à présent, c'est encore impossible». M.Abu Faour fait, à l'évidence, allusion aux va-et-vient du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui tenta en vain, ces dernières semaines, de rapprocher les positions des parties en conflit. M.Moussa qui a fait plusieurs fois le déplacement à Beyrouth n'est pas parvenu à faire accepter, par les parties libanaises, le plan arabe de sortie de crise. Celui-ci préconise l'élection immédiate du général Michel Sleimane, sur le nom duquel le consensus existe, qui est le seul point positif jusqu'ici relevé dans le contentieux libanais fourvoyé dans une impasse. Cette élection devait être suivie, selon le plan arabe, par la formation d'un gouvernement d'union nationale, sans minorité de blocage -que réclame l'opposition et refusée par la majorité- et l'élaboration d'une nouvelle loi électorale. Aussi, l'impasse actuelle risque-t-elle de perdurer et l'élection du président reportée indéfiniment, tant que les parties demeurent sur des positions rigides qui ne font qu'aggraver les tensions dans les communautés libanaises. C'est d'autant plus inquiétant que les accrochages armés se sont multipliés ces dernières semaines alors que les partisans des deux camps s'arment à tout-va, semble-t-il, semant la psychose parmi la population qui craint de plus en plus le spectre du retour de la guerre civile. La crise politique au Liban a des retombées de plus en plus négatives au sein des pays arabes où des divergences se sont fait jour mettant en stand-by le Sommet arabe, dont la tenue est prévue à Damas les 29 et 30 mars prochain. Or, plusieurs pays arabes, à leur tête l'Arabie Saoudite et l'Egypte, menacent de faire faux bond au Sommet, liant leur venue à l'élection du président libanais. Ces mêmes pays portent des accusations à peine voilées contre la Syrie qui ferait obstacle, selon eux, à la tenue du scrutin présidentiel libanais. Réunis au Caire mercredi dernier, dans le cadre de la préparation du Sommet arabe de Damas, les ministres arabes des Affaires étrangères ont surtout étalé leurs divergences sur la crise libanaise. Ces désaccords persistants risquent aussi d'avoir pour conséquence la dépréciation du Sommet arabe par une représentation inadéquate des pays qui font porter à la Syrie la responsabilité de l'impasse libanaise. Aussi, en conditionnant le succès du Sommet arabe par l'élection du président libanais, Le Caire et Riyadh engagent, en fait, un bras de fer avec la Syrie avec comme risque l'élargissement de la crise libanaise au monde arabe. Présent au Caire, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a rejeté le lien que certains membres de la Ligue arabe veulent faire entre le Liban et le Sommet de Damas, indiquant «le sommet se tiendra à la date prévue et le niveau de participation dépassera celui d'autres Sommets arabes». Cela n'est cependant pas aussi évident que semble le croire M.Mouallem, car la portée des décisions que prendra ou aura à prendre le Sommet, est conditionnée par la qualité de la participation arabe. Si des Etats décident d'envoyer des délégués ou de simples secrétaires, on ne voit pas comment le Sommet de Damas peut convaincre du bien-fondé de ses décisions. Cela d'autant plus que la seule question cruciale qui engage, en réalité, le monde arabe est encore le dossier palestinien au moment où le peuple palestinien vit une tragédie sans précédent, nonobstant le problème sérieux que constitue la crise politique libanaise. Encore une fois, les Arabes risquent fort de se tromper de priorité, et ce serait regrettable.