Coordinateur du contre-terrorisme au département d'Etat américain, Dell L.Dailey est, notamment chargé de la coordination et du développement des politiques gouvernementales américaines et de programmes visant à la riposte contre le terrorisme à l'étranger. Il est le principal conseiller au secrétaire d'Etat américain sur les questions de contre-terrorisme internationales. Il joue un rôle primordial dans le développement des stratégies contre-terroristes et dans la coopération avec des partenaires étrangers dans le domaine sécuritaire. Surnommé le Soldat du contre-terrorisme, M.Dell a passé 36 années au sein de l'armée américaine, menant plusieurs actions et opérations sur le terrain. Sa vie a été une longue chaîne de secrets. C'est lui qui a mené une opération secrète avec une équipe de l'armée de l'air US pour sauver les otages américains en Iran en 1980. Il a été à la tête d'une unité spéciale développée dans le secret le plus total et qui dirige des opérations militaires dont la mythique Delta Force américaine. Après les attaques du 11 septembre 2001, il a dirigé le nouveau Centre pour les opérations spéciales qui est en fait, le noyau militaire pour le contre-terrorisme. C'est ainsi qu'il a eu à diriger des opérations spéciales en Afghanistan et en Irak. «Le Bouclier du désert» et «La tempête du désert» ont été les opération les plus connues à l'actif de Dell L.Dailey. Quel regard portez-vous sur la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Algérie? L'Etat et le peuple algériens ont une histoire longue et traumatique avec le terrorisme qui a particulièrement duré pendant 15 ans. Nous restons concernés par Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) qui était l'ex-Gspc, mais dont les éléments continuent à commettre et à planifier des attentats et des attaques en Algérie. Cependant, nous sommes très satisfaits par les efforts que fait l'Algérie afin d'atténuer la menace terroriste. Nous entretenons une excellente coopération avec votre pays dans ce sens. On a assisté ces derniers mois à des attaques kamikazes. En tant que spécialiste de la lutte antiterroriste, comment expliquez-vous le recours à ce type d'opérations, qui n'a pas existé par le passé en Algérie? Nous croyons que les succès remportés par l'Algérie dans la lutte con-tre le terrorisme combinés avec le refus et le rejet total du peuple algérien du terrorisme pouvaient être les facteurs influents qui ont poussé à ce genre de pratiques. Ce sont ces mêmes facteurs qui ont poussé également Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) à changer de tactique dans la pratique terroriste en ayant recours à des attaques suicides. Nous croyons qu'Aqmi a recouru aux attaques suicides à la suite de sa faiblesse opérationnelle sur le terrain. Elle a également recouru à ces pratiques suicidaires pour démontrer son lien avec Al Qaîda en adoptant cette façon d'opérer qui est la marque de fabrique de cette organisation terroriste. Enfin, les attaques suicides ne nécessitent ni une grande préparation ni de grands moyens, en contrepartie, elles attirent l'attention des mass média. Puisque vous insistez sur cette appellation «Aqmi», relativement nouvelle en Algérie, permettez-moi de vous indiquer qu'il y a eu une discussion dernièrement à Washington DC, entre les spécialistes, sur les liens entre Al Qaîda et le Gspc algérien. Ces derniers n'ont pas établi de liens formels entre ces deux organisations terroristes. Quel est votre avis sur ce sujet? C'est une affaire que nous continuons à suivre de près. Si nous ne voyons pas encore de forts liens opérationnels entre les deux, depuis que le Gspc a annoncé avoir prêté allégeance à Al Qaîda, nous avons vu plusieurs développements et cette inquiétude ne cesse d'augmenter. Le premier était une annonce officielle par Aqmi soutenu par les éléments d'Al Qaîda basée au Pakistan et en Afghanistan, qui a confirmé la présence officielle d'Al Qaîda en Afrique du Nord. Le deuxième élément est relatif au changement tactique et stratégique opéré par l'organisation d'Al Qaîda au Maghreb islamique. Ce changement est de plus en plus orienté vers des cibles gouvernementales et non gouvernementales qui ne sont pas algériennes (comme l'attaque contre les bureaux de la représentation des Nations unies à Hydra, Ndlr) en incluant des travailleurs étrangers, notamment dans le domaine pétrolier. Il y a également le recours aux attaques suicides que j'ai citées plus haut dans cet entretien. Croyez-vous qu'Aqmi se livrera à la prise d'otages et à la demande de rançons en Algérie sachant qu'elle a adopté toutes les autres pratiques d'Al Qaîda en Irak et en Afghanistan? Nous n'allons pas supputer sur ce que seront les actions terroristes et les tournures qu'elles pourraient prendre. Cependant, je dirai que les sources principales de financement pour l'Aqmi sont les rançons demandées après les enlèvements, le racket, les agressions et le commerce de la drogue, notamment au Mali et en Algérie. Nous constatons de plus en plus que les terroristes financent leurs opérations avec l'activité criminelle. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les Etats-Unis se concentrent particulièrement sur la bande du Sahel. Pourquoi un tel intérêt pour cette partie de l'Afrique? L'Aqmi a lancé plusieurs attaques dans le Sahel durant l'année écoulée et essaie toujours d'utiliser cette région comme un refuge sûr et une source de recrues, d'approvisionnement et de financement pour ses opérations. Les pays sahéliens sont de forts alliés dans la lutte contre le terrorisme. Mais à des degrés variables, ces pays ont besoin d'une assistance pour augmenter leur capacité de protéger leurs frontières avec leurs propres forces; pour étendre le contrôle gouvernemental efficace sur leurs territoires, particulièrement sur les régions traditionnellement modérées qui s'opposent à l'idéologie extrémiste. La Trans-Sahara Counter Terrorism Initiative (Tscti) répond à des besoins immédiats dans la région, mais c'est un investissement à long terme pour prévoir les actions d'Al Qaîda et d'autres organisations extrémistes établissant des bases arrière pour des opérations et des réseaux de soutien et de sympathisants dans la région. On croit savoir que les Américains ont participé, en 2004, à la capture de Abderezak Al Para, le cerveau de l'enlèvement de 32 touristes européens en février 2003. Quel a été pour vous l'apport de cet émir du point de vue des renseignements? Nous n'avons aucun renseignement à donner sur cette question. Les médias américains ont rapporté dernièrement que beaucoup d'islamistes algériens sont en Irak. Avez-vous une illustration de leur nombre? Nous n'avons pas de nombre spécifique, bien que nous soyons concernés par le nombre de terroristes d'Afrique du Nord qui se retrouvent en Irak. Et le nombre de terroristes en Algérie? Nous n'avons pas d'estimation sur le nombre de terroristes à présent en Algérie. Quelle est votre définition du terrorisme? La violence intentionnelle, politiquement motivée, commise contre des cibles civiles par des groupes ultranationaux ou des agents clandestins.