Il y a deux mois, de hauts responsables américains du contre-terrorisme ont sillonné les pays d'Afrique du Nord et ceux du Moyen-Orient. C'est une première dans l'histoire des services de renseignements. Le FBI a lancé la construction de la plus grande base de données du monde sur les caractéristiques physiques des populations. Selon le journal américain The Seattle Times, qui avait rapporté l'information, cette expérience a commencé en Irak et en Afghanistan où le département de la Défense US a procédé au stockage de près de 1.5 million de données de prisonniers ainsi que celles de citoyens qui voulaient accéder aux prisons pour rendre visite à des parents, des fils ou des proches détenus par l'armée américaine. Le Pentagone pousse plus loin puisqu'il prévoit de collecter des échantillons d'ADN de certains détenus irakiens. Un montant de 1 milliard de dollars a été alloué à cet immense projet qui est à même de donner aux Américains d'incroyables capacités d'identification des personnes aux Etats-Unis et à l'étranger. «Bigger, Faster, Better» (plus grand, plus vite et mieux). C'est en ces termes que Thomas Bush III, directeur adjoint de la division services et justice criminelle (Cjjs) au FBI a qualifié ce projet. Il est évident que cette action se concentrera essentiellement sur l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient qui sont, actuellement, des points chauds au plan sécuritaire. Cela même si une base de données biométriques est actuellement partagée entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Aussi, des caméras seront installées dans des places publiques, des gares, des aérogares où existent de grands flux de populations. Le même système a été installé à titre expérimental en Allemagne, en 2006, dans une gare où transitent environs 23.000 passagers par jour. L'étude a révélé que la technologie est en mesure d'adapter les visages des voyageurs et de les intégrer dans une base de données. C'est dans cette perspective que le président américain, George W.Bush a chargé plusieurs de ses diplomates, des officiers de l'armée et des agents du renseignement à se rendre dans plus d'une douzaine de pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, dont l'Algérie, afin dit-on de collaborer à la lutte contre les réseau d'Al Qaîda, notamment les terroristes et les kamikazes qui se rendent en Irak. Parmi ces émissaires, on retrouve le coordinateur du contre-terrorisme au département d'Etat américain, Dell L. Dailey. Il est, notamment chargé de la coordination et du développement des politiques gouvernementales américaines et des programmes visant à la riposte contre le terrorisme à l'étranger. Il est le principal conseiller au secrétaire d'Etat américain sur les questions de contre-terrorisme internationales. Il joue un rôle primordial dans le développement des stratégies contre-terroristes et dans la coopération avec des partenaires étrangers dans le domaine sécuritaire. «(...) Nous restons concernés par Al Qaîda au Maghreb islamique mais dont les éléments continuent à commettre et à planifier des attentats et des attaques en Algérie. Cependant, nous sommes très satisfaits par les efforts que fait l'Algérie afin d'atténuer la menace terroriste. Nous avons une excellente coopération avec votre pays dans ce sens» a déclaré M.Dell dans un entretien exclusif à L'Expression. Quelques jours après sa visite à Alger où il a affirmé avoir rencontré de hauts responsables de l'Etat, le directeur de la police fédérale américaine (FBI), Robert Mueller, a annoncé que ses services prévoyaient d'ouvrir une antenne à Alger. L'objectif de cette antenne est, selon le responsable américain, de faire face aux nouvelles menaces en provenance du Maghreb. «Au cours de la dernière année, une année et demie, les capacités d'Al Qaîda au Maghreb (...) se sont accrues», a indiqué M.Mueller, lors d'une audition au Congrès consacrée au budget du FBI pour l'année fiscale 2009. «Nous sommes très inquiets sur le fait qu'alors que ces capacités ont augmenté, la possibilité pour des individus ayant deux passeports, par exemple français et algérien, de se rendre en Europe et de n'être plus qu'à un billet d'avion électronique de l'aéroport J.F.K ou d'un autre aéroport ici, aux Etats-Unis, n'augmente également». Dans une interview parue, il y a quelques semaines sur l'agence américaine d'information AP, le général Dailey a indiqué qu'il a visité une douzaine de pays «pour faire pression sur ces pays et obtenir des garanties (...)». Entre les mois de novembre et février, ce général a visité l'Arabie Saoudite, la Libye, le Yémen, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l'Egypte. Il a soutenu que ces pays vont prendre des mesures énergiques contre le passage de kamikazes et de terroristes étrangers en Irak pour attaquer les forces alliées. Mais il a souligné aussi que les terroristes, qui reviennent d'Irak, constituent également une sérieuse menace pour ces pays et qu'il convient donc de les identifier. Mais le dossier principal traité par ce général a été celui de l'identification des données ramenées avec lui d'Irak. Il s'agit de documents et d'ordinateurs découverts en septembre dernier, quand les forces américaines ont attaqué un camp d'insurgés en Irak dans le désert près de Sinjar, près de la frontière syrienne. La découverte la plus significative dans le trésor était une collection d'esquisses biographiques qui ont énuméré des villes natales, des dates de naissance, des faux noms et d'autres détails pour plus de 700 terroristes entrés en Irak depuis 2006. «Dans chaque pays, j'ai vu une équipe de spécialistes de la défense, de la trésorerie, de la justice et des départements de Sécurité; je leur ai présenté tous ces documents et ils étaient réceptifs à l'utilisation des données...». Des images numériques de visages, des empreintes digitales et autres modes d'identification avec des moyens technologiques hautement sophistiqués, caractérisent le projet du FBI jamais réalisé dans l'histoire de l'humanité. Dans les années à venir, les polices, partout dans le monde, peuvent être en mesure d'utiliser ces données pour identifier des criminels ou des terroristes. Ainsi, si tout se passe comme prévu, un officier de police sera capable d'effectuer un contrôle sur un suspect et l'identifier avec exactitude en quelques secondes. Mais qui accédera à toutes ces données à part les Américains?