19 mars 1962. Une date inoubliable au coeur des Algériens qui, tout au long de la nuit coloniale, ont rêvé de ce jour. Et tout au long du brasier qu'était la guerre d'Indépendance, les Algériens ont suspendu leurs espoirs à cette journée qu'ils allaient enfin goûter. La paix et le silence des armes, enveloppaient les djebels, mais dans les villes, les hordes assassines de l'OAS pratiquaient la politique de la terre brûlée. Des Algériennes et des Algériens tombaient sous les balles des commandos Delta. Bab El Oued s'insurgeait contre De Gaulle et pour cette raison, les desperados essayaient de...tuer des Algériens. D'autres quittaient l'Algérie, le pays qui allait devenir indépendant voyait changer la physionomie du peuplement. Les Européens, après avoir aveuglément suivi l'OAS, n'ont plus qu'une seule alternative, quitter un pays qu'ils ont peut être aimé mais qu'ils n'ont pas su servir. Brisés, laminés, rendus exsangues par les années d'occupation et les années de guerre, les Algériens se sont mis à l'ouvrage. Alors qu'Alger et Oran ainsi qu'Annaba et Constantine payaient leur dernier tribut de sang, les troupes de l'ALN entraient dans les villes et se mirent à l'ouvrage. Tout était à refaire, à installer, à créer. D'abord les écoles. Elles devaient, coûte que coûte, continuer leur oeuvre. Les administrations telles les postes, les contributions, les mairies et autres devaient poursuivre leurs tâches. Les Européens étaient soit partis soit en instance de le faire. Dans les montagnes, qui commençaient à refleurir et à essayer de panser les nombreuses blessures, les populations recherchaient les restes des chouhada. Les villages de l'intérieur réapprenaient à vivre. Des foules de gens revenaient vers leurs champs et leurs maisons dans ce qui fut les zones interdites. L'Algérie nouvelle était en marche. Des déviances commencèrent à se faire jour comme ces «martiens» qui, du jour au lendemain, noyèrent les troupes de l'ALN. Les révolutionnaires de la 25e heure affluèrent de partout. Une autre morale se mettait doucement en place, en mars 1962..., celle de la triche et de la montre. L'Algérie, qui venait de sortir du néant et d'une longue, harassante et dure guerre de Libération, est la cible de gens pour lesquels, seul comptait le profit. Le peuple ahuri par tant d'aplomb de la part de ceux-là qui, hier encore, étaient ouvertement dans les rangs des «gens du 13 mai», n'en revenait pas. Durant de longs mois, les citoyens assistèrent à la naissance d'un autre monde. La plus émouvante et la plus belle des batailles gagnées ou plutôt livrées par l'Algérie était celle de la rentrée scolaire mais, c'est là une autre histoire. Pour l'heure, il s'agit pour les paysans de retourner dans leurs villages, dans leurs maisons désertées sous la poussée de la guerre et de la violence. L'Algérie renaissait doucement avec, souvent, des peines et des douleurs mais aussi cette joie indicible d'être revenue de loin. 19 mars 1962...19 mars 2008, 46 ans dans la vie d'une nation c'est finalement peu mais, ramenés à l'échelle de l'humanité c'est une éternité. Alors des noms scintillèrent dans le firmament de l'Algérie. Aujourd'hui, ces hommes sont pour la plupart décédés, morts d'avoir trop aimé leur pays, parmi eux Krim Belkacem le signataire des accords d'Evian. «Le lion des djebels», le vieux maquisard est assassiné par ses frères de combat dans un hôtel en Europe. Avant lui ce fut Abane Ramdane, le véritable homme orchestre de la Révolution.