Serait-il encore à craindre que la Journée nationale de la Science, l'une des plus importantes de notre pays, soit celle de la banalité? Voici la Journée que tous les Algériens devraient aimer et célébrer. Voici la Journée de l'Homme et de la Femme de coeur et de raison, du garçon et de la fille, des jeunes et des séniors, du Poète, de l'Artiste, du Philosophe, du Scientifique, du Travailleur de l'esprit et du Travailleur manuel. Toute oeuvre, toute idée, toute action algérienne doit monter, dans la Journée de ce mercredi 16 avril 2008, comme la fleur d'un fruit, comme le résultat d'une promesse tenue, resplendir comme un projet nouveau de bonheur et de progrès. Soixante huit ans nous séparent de la disparition du Cheikh Abdelhamid Ben Badis (1889-1940), le Maître du réformisme religieux fondé sur la sauvegarde de la personnalité d'une Algérie «une et indivisible», réunissant jalousement tous ses enfants sous les trois éléments célèbres, le point de départ pour une Algérie identitaire et moderne: L'Islâm est notre religion, la langue arabe est notre langue, l'Algérie est notre patrie. La lutte de libération du joug colonial, l'indépendance et la proclamation de la République algérienne ont nourri la volonté du peuple algérien d'un espoir de vivre dans un pays moderne ouvert au monde de la paix, de la technologie et du savoir et d'oeuvrer à sa réalisation par des voies humaines, socioculturelles et scientifiques. Voilà un événement qui se veut, chaque année, exceptionnellement grandiose, qui doit, en une Journée, constituer la mémoire collective de tous les Algériens et rappeler le souvenir de Ben Badis, l'un de nos penseurs les plus remarquables de l'histoire de l'Algérie contemporaine. C'est pour lui justement que cette Journée a été instituée par les pouvoirs publics en raison de son rôle dans la promotion du savoir, pour ce pionnier de l'Islâh dont toute la vie a été consacrée principalement à l'action éducative devant créer, en son temps, les conditions de la Renaissance culturelle et de la diffusion des idées nouvelles. Allons-nous encore assister, prenant un air dubitatif ou déçu, complice ou réprobateur, aux festivités habituelles sans trop d'ambition de progrès? À quelques rares exceptions qui nous relèvent le moral, ces manifestations - immédiatement après les discours emphatiques d'usage pour se donner bonne conscience et que corrigent heureusement des anthologies de chants patriotiques que nous aimons tous - se fondent sur le savoir réciter et chanter des niaiseries, sur le savoir danser comme ailleurs «dans les pays frères qu'il ne faudrait pas négliger», sur le sketch et le pseudo-théâtre débiles pour enfants, sur des travaux de couture, de modelage,...Autrement dit, comme presque voyaient cela, au temps de la colonie, les bonnes dames et les bons messieurs qui organisaient les «fêtes spéciales indigènes»! Or le temps et le ton ont changé, les Algériens aussi, surtout les jeunes dont l'intelligence, l'impatience et la curiosité intellectuelle ne demandent qu'à se développer, qu'à s'épanouir pour servir le pays. Notre culture aussi; elle se veut identité présente en Algérie, présente ailleurs aussi; elle en a toutes les compétences humaines et tous les moyens matériels. Systématiquement, nos écrivains, nos artistes, nos écoles, nos universités, nos centres de la formation et de l'enseignement professionnels, nos maisons de la culture, nos centres de santé, nos associations sportives, la presse écrite, la presse audiovisuelle,...tous peuvent produire, chaque année sous un thème différent, généreux, exaltant et mobilisateur, des activités innovantes et pertinentes à partager tout au long de la Journée nationale du savoir et à reproduire et à poursuivre durant l'année suivante. Par exemple, on pourrait organiser des rencontres ouvertes avec des hommes de culture et de sciences dans les établissements scolaires, des échanges culturels entre institutions éducatives et culturelles nationales, des échanges entre nos régions, des échanges d'égal à égal avec l'étranger. Nos valeurs culturelles ne sont reconnues par les nôtres que si, étrangement, quelque professionnel étranger s'en empare, les «étudie» et nous les remet sous les yeux, ainsi s'intitule-t-il, ici ou là, «spécialiste en littérature algérienne», «spécialiste de la Révolution algérienne (sic!)», «spécialiste de l'Algérie», etc. Qu'est-ce qui nous empêche d'encourager nos chercheurs, nos jeunes écrivains et artistes, de programmer des lectures utiles, éducatives et formatives dans les bibliothèques municipales, d'inciter et aider les éditeurs à découvrir de jeunes talents, former les libraires à l'accueil du lecteur et à pouvoir le conseiller et l'orienter dans son choix des nouveaux ouvrages? De même, on pourrait ouvrir ou rouvrir nos théâtres au public, nos salles de cinéma, nos salles des fêtes,...Enfin, peut-être concevoirions-nous une Journée du savoir, sérieuse, convaincante, exigeante qui ferait vraiment le point sur nos valeurs culturelles et sur nos progrès dans la recherche, dans la création, dans la rencontre avec nous-mêmes, afin que chacun de nous trouve ou retrouve sa place, se sente utile à son pays et fier d'être reconnu par les siens. De toute façon, c'est ainsi que, l'Algérien quel que soit son âge, serait respecté ailleurs, sans qu'il ait besoin de chercher quelque soutien en terre d'exil qui pourrait, en de certaines circonstances, faire de lui ou un éternel émigré, un défroqué nouveau genre, un apatride aigri ou un harrâq en proie au danger de mort. Yaoum el-‘ilm ne doit pas être un slogan de fantaisie ni de vanité; bien organisé, riche d'idées, fort de ses faits authentiques, il révèle le citoyen au prix qu'il consent à son devoir d'être créateur dans son pays.