Alors que la vacance à la présidence constitue l'abcès de fixation de la crise politique au Liban, l'échéance des législatives risque d'ouvrir un nouveau front de tension. La 18e tentative d'élire un président libanais, demain, connaîtra probablement le même sort que ses précédentes car la crise politique se complique davantage, la majorité et l'opposition ayant les yeux rivés sur une autre échéance: les législatives de 2009. «Plus le temps passe, plus les calculs se concentrent sur l'enjeu électoral, qui va cristalliser la lutte de pouvoir» entre la majorité pro-occidentale et l'opposition soutenue par Damas et Téhéran, souligne Patrick Haenni, de l'International Crisis Group. En raison de ce bras de fer, le Liban est sans président depuis le départ d'Emile Lahoud, fin novembre, la séance parlementaire consacrée à l'élection ayant été reportée 17 fois jusqu'à présent. La majorité, soutenue par les pays occidentaux et l'Arabie saoudite, réclame l'élection immédiate et inconditionnelle du chef de l'armée, Michel Sleimane. L'opposition lie cette élection à un «paquet» de revendications qui englobe un gouvernement d'union nationale et une nouvelle loi électorale. Le Liban se retrouve dans une situation inédite et dangereuse: sans chef d'Etat, avec un gouvernement jugé «illégitime» par l'opposition, un Parlement qui ne légifère plus depuis plus d'un an et une armée prochainement sans chef, le général Sleimane s'étant déclaré déterminé à démissionner en août. «La crise présidentielle fait du surplace et risque de durer encore davantage», commentait vendredi le quotidien An Nahar, proche de la majorité. Mais en dépit de la paralysie politique, les différents protagonistes se projettent déjà au printemps 2009. Leurs discours se centrent de plus en plus sur la réforme de la loi électorale de 2000, élaborée alors que le pays était encore sous tutelle syrienne. Selon les experts, le principal problème de cette loi est qu'elle n'assure pas une véritable représentativité des forces politico-religieuses au Liban, ce qui est à l'origine de la crise actuelle. D'après l'avocat Ziad Baroud, expert en matière de loi électorale, la loi de 2000 «ne garantit pas aux forces politiques chrétiennes un véritable poids électoral». Les candidats chrétiens sont ainsi dépendants des voix des électeurs musulmans dans le sud et dans la Bekaâ (est), à majorité chiite, et dans le nord et à Beyrouth, dominés par les sunnites. Les électeurs chrétiens dans ces régions n'ont donc pas beaucoup d'impact sur le vote, ce que dénoncent leurs dirigeants, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité. Bien que les chrétiens soient devenus minoritaires par rapport aux musulmans au Liban, la Constitution prévoit que les 128 sièges du Parlement soient répartis à parité entre les deux communautés, toutes confessions confondues. Mais si les chrétiens souhaitent une certaine autonomie par rapport aux électeurs musulmans, le découpage électoral qui le leur garantirait ne conviendrait pas nécessairement aux musulmans, notamment au mouvement chiite Amal ou à celui du sunnite Saâd Hariri, selon M.Haenni. «Cette loi est un enjeu majeur car le fond de la crise est la volonté de redéfinir à qui appartient le pouvoir au Liban», explique Sami Salhab, professeur de droit public à l'Université libanaise. «L'impasse actuelle va au-delà de l'élection d'un président et se focalise sur la répartition du pouvoir», renchérit M.Baroud. L'éventualité d'un désaccord persistant autour de la loi électorale fait craindre que cette réforme ne connaisse le même sort que la présidentielle. «Est-il possible que les différentes échéances, y compris les législatives, soient reportées tour à tour, et que le Liban n'ait, à ce moment-là, ni président ni députés?», demande le quotidien An Nahar.