Devant le retrait des démocrates de la course électorale, le danger de voir les islamistes gouverner est grand. Les deux principaux leaders de la classe politique nationale, Benflis et Ouyahia, sont sortis, ce week-end, de leur réserve. Le premier a choisi le face-à-face avec la presse écrite, notamment privée. Quant au second, il a préféré répondre à l'invitation de deux Chaînes de la radio nationale, la Trois et la Une. Ces sorties, même si elles ne doivent leur simultanéité qu'à un hasard de calendrier, il n'en demeure pas moins, qu'elles ont constitué l'attraction principale du week-end. Au centre d'une forte turbulence politico-médiatique, le FLN et le RND sont la cible d'attaques soutenues de la part de leurs adversaires du moment. Ces derniers se recrutent principalement dans le camp des partisans du boycott, dont l'argument essentiel tient dans le fait que le pouvoir avec ses composantes partisanes veut amener les citoyens au vote «en agitant l'épouvantail islamiste». Dans son intervention à la radio, Ouyahia récuse l'accusation et affirme que la menace est réelle. Benflis, de son côté, adopte un ton plus serein, mais insiste tout de même sur l'impérieuse nécessité de respect des institutions de la République. En fait, les deux hommes, dont les formations traversent une période décisive, semblent vouloir se compléter dans le discours de sorte que, dans l'ensemble, on ait une démarche plus ou moins cohérente, qui conclut à convaincre l'électorat que la seule manière d'éviter un retour à la case départ (90-91) ou de voir le «phénomène Le Pen» se produire en Algérie, est justement de se mobiliser autour d'un vote responsable. En d'autres termes, reconduire la majorité actuelle, en réduisant au maximum le poids des islamistes dans la prochaine Assemblée. En fait, les deux leaders craignent par-dessus tout une abstention record, dont ils seraient les premier à souffrir, en l'absence des principaux partis démocrates de l'opposition. Ouyahia comme Benflis ont fortement insisté, avant-hier, sur l'impérieuse nécessité de l'acte de voter, précisément dans ces élections. L'enjeu, à les croire, est de taille. D'abord, pour l'avenir du pays qui se doit d'écarter, une bonne fois pour toutes, la menace islamiste, mais aussi pour garantir le succès au processus de rénovation de leur parti, au risque de voir la vieille garde, mise au placard, revenir aux commandes de leurs formations respectives, à la faveur d'une cuisante défaite aux prochaines législatives. C'est pour convaincre l'opinion qu'ils ont fait ces sorties, histoire de demander aux électeurs de les aider à nettoyer leurs partis. Cela dit, devant le retrait des démocrates de la course électorale, le danger de voir les islamistes gouverner est grand, d'autant que la campagne du FFS et du RCD n'aura d'effet que sur les électeurs acquis au discours moderniste. Les islamistes, dont la campagne a déjà démarré, ne sont pas du tout inquiétés par l'appel au boycott, ils en rient même sous cape. Aussi, l'on peut prévoir que les sorties, du genre du week-end dernier, vont se multiplier et les deux grands partis au pouvoir vont même en faire l'un de leurs thèmes électoraux. Force est constater donc que l'on va assister à une campagne bien curieuse où les modernistes vont se disputer leur électorat pour le convaincre de voter ou de boycotter, alors que dans l'autre camp la campagne a toutes les chances de se dérouler sur du velours. Aussi, la gageure pour le FLN et le RND, et à un degré moindre pour le PT et le PRA, est de réduire au maximum les effets de la campagne pour le boycott. Un travail de titan dans une société déjà largement blasée par la chose politique.