Accrédité depuis un mois et demi à Alger, Son Excellence l'ambassadeur a pris connaissance des exceptionnelles potentialités que recèle le marché algérien. L'ambassadeur turc qui devait rendre, hier, une simple visite de courtoisie au quotidien L'Expression, a finalement fait coup double. Il s'est longuement entretenu de la situation économique extraordinairement favorable qui prévaut en Algérie avec les journalistes, à leur tête leur directeur, M.Ahmed Fattani. «Je ne me sens pas du tout dépaysé en Algérie, nous partageons une histoire, des valeurs culturelles et spirituelles communes», nous a déclaré d'emblée, le diplomate turc. Il n'a pas omis de nous confier l'admiration que voue le peuple turc au peuple algérien. «Un peuple brave et héroïque qui a mené une longue lutte de 132 ans contre le colonialisme français», a fait remarquer Son Excellence Ahmet Necati Bigali. L'aide fournie par le gouvernement turc à l'époque où la guerre de Libération en Algérie battait son plein n'est pas une vue de l'esprit. M.Ahmet Necati Bigali nous confie: «En 1959, sous le gouvernement de M.Adnane Menderes alors Premier ministre, un navire avec, à son bord, une cargaison d'armes et de munitions a été acheminé vers les maquis algériens». Que pense-t-il de l'Algérie d'aujourd'hui? «Je ne doute pas de l'émergence d'une Algérie puissante et prospère. Avec le programme de développement économique initié par le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, de très sérieuses avancées ont été réalisées», a souligné l'invité de L'Expression visiblement au courant des grands projets initiés par le chef de l'Etat. La Turquie est-elle prête pour partir à la conquête du marché algérien? «Une centaine d'entreprises turques opèrent actuellement dans le secteur du bâtiment et les hommes d'affaires sont prêts à investir dans d'autres secteurs», a fait constater l'ambassadeur de Turquie. Dans le domaine des constructions navales, une entreprise turque de droit algérien s'est fraîchement installée à Alger, elle a pour nom Türkf Maritime. 3e grand constructeur mondial de navires, la Turquie a de sérieux atouts à faire valoir, à commencer par cette tradition dans le domaine maritime qui la caractérise. Ses carnets de commande sont bien remplis «jusqu'en 2014», nous a confié Son Excellence Ahmed Becati Bigali. Les échanges commerciaux algéro-turcs semblent toutefois avoir du mal à décoller. Le savoir-faire de la Turquie dans différents domaines n'est plus à démontrer, notamment celui de l'agroalimentaire. L'Algérie représente un marché de 34 millions de consommateurs. Les ingrédients semblent réunis pour une coopération des plus fructueuses. Quels sont ces facteurs qui mettent un frein à un terrain aussi favorable? La situation sécuritaire? Le plus dur est derrière nous. Cela commence à devenir de l'histoire ancienne. M.Necati Bigali reconnaît que les 300 millions de dollars investis par les hommes d'affaires turcs dans l'immobilier, la construction de logements, l'agroalimentaire...sont nettement en deçà des attentes espérées par les deux Etats respectifs. On lui fait remarquer le volontarisme chinois et son expérience en Algérie, eux dont le mode de vie et la culture sont à des années-lumière de ceux des Algériens, au contraire des Turcs avec qui on a plusieurs domaines en partage, à commencer par l'essentiel, la religion. Cela peut aiguiser l'appétit. L'ambassadeur nous annonce que le chef de l'Etat turc sera en visite officielle, certainement avant la fin de l'année 2008. On semble vouloir prendre le taureau par les cornes au plus haut sommet de l'Etat. Un autre sujet de taille et d'actualité a été abordé: l'Union pour la Méditerranée. Un projet cher au président de la République française que d'aucuns voyaient comme la solution pour faire obstacle au projet d'adhésion de la Turquie au sein de l'Union européenne. Un projet que Nicolas Sarkozy compte contrecarrer. Son meilleur argument: le déterminisme géographique. Le chef de l'Etat français ne cesse de le marteler; la Turquie même si elle se trouve aux portes de l'Europe se situe en Asie. Autre argument de taille: la Turquie est un pays musulman. Comment est perçu le projet de l'Union méditerranéenne par la Turquie? «Pas d'un bon oeil au début, mais nous avons depuis reçu des assurances de la part des pays membres de l'Union européennes. Nous n'avons cependant pas encore pris de décision finale», nous a confié M.Ahmet Necati Bigali. Le diplomate turc croit dur comme fer que la Turquie finira par rejoindre l'Union européenne. «Nous sommes membre fondateur du Conseil de l'Europe, en 1949, et nous avons adhéré à l'Otan en 1952. Nous pouvons constituer un véritable pont entre le monde chrétien et le monde musulman», a-t-il souligné. Et dans le cas contraire? «Cela voudra dire qu'ils ne veulent pas des musulmans. C'est un club chrétien qu'ils veulent construire», a conclu M.Bigali.