«Notre but ici n'est pas d'affirmer, mais de comprendre et de mettre en valeur les éléments troublants qui nous font craindre les effets de la politique menée par l'administration Bush au Moyen-Orient depuis le 11 septembre»...note l'auteur de cet essai. Après Paris-Alger, Couple infernal de Jean-Pierre Tuquoi, les éditions Sédia viennent de doter leur nouvelle collection Essai avec un nouveau livre, très riche en information. Ce dernier se veut, selon son auteur, non pas donner des leçons mais tenter de comprendre et analyser la situation qui prévaut dans le monde. Il s'agit de Vers l'Orient compliqué d'Antoine Sfeir, ce journaliste né au Liban, mais qui vit et travaille en France où il exerce en tant que journaliste et enseignant (en relations internationales). Il est, en effet, plus connu peut-être pour être un grand spécialiste du Proche et Moyen-Orient. Il fonde en 1985 la revue Les Cahiers de l'Orient qu'il dirige, il poursuit parallèlement une riche carrière d'auteur d'essais. Dans celui-ci, il tente de décortiquer les enjeux politiques et géostratégiques qui ont longtemps lié le Monde arabe à l'Occident. Hier, la Grande-Bretagne et la France, aujourd'hui les Etats-Unis d'Amérique en occupant l'Irak. Quelles sont leurs vraies motivations? se demande-t-on? Le pétrole? la protection d'Israël? les armes nucléaires?...Antoine Sfeir émet une hypothèse qui -si elle est juste, probable- s'avère dangereuse, «un cauchemar», selon ses termes pour le Monde arabe. Le journaliste averti ouvre son livre, après une bonne introduction par un chapitre revenant aux origines des Etats-nations du Moyen-Orient. «La fin du XIXe siècle fut marquée par le développement de la colonisation, occidentale partout dans le monde. L'Empire ottoman ne fait pas exception. En 1571, la grande bataille de Lépante avait annoncé le déclin de l'Empire ottoman. Le déséquilibre commence par l'intrusion européenne en Orient. L'Empire Ottoman était dépecé..». Les colonisations se succèdent et avec, les fausses promesses d'indépendance. Le journaliste évoque aussi la mission civilisatrice teintée de racisme qui en découle. S'ensuit une description de la ville du colonisé et celle du colonisateur. Antoine Sfeir explique comment certains intérêts aux effets désastreux sont nés et leurs enjeux stratégiques depuis la guerre froide, à nos jours. «la Seconde Guerre mondiale avait, non seulement affaibli les puissances européennes mais placé au rang de superpuissances l'Union soviétique et les USA». L'échiquier du monde change comme la distribution des cartes. On cherche des alliés, des intermédiaires. Au chapitre Israël et les Etats-Unis, il est mentionné qu'au fil du temps, la position de la Maison-Blanche sous Clinton évolua vers une plus grande prise en compte des aspirations du peuple palestinien, sans pour autant remettre en cause l'alliance avec l'Etat hébreu. Aussi, la position de Bush changera plus tard, avec l'avènement du 11 septembre, le lobby prosioniste, très proche de lui, lui mettra la pression. L'Iran, jadis en guerre avec l'Irak trouve son compte. Le 11 septembre fut l'occasion de remettre sur le devant de la scène les deux schémas principaux de la guerre froide qui sont la peur des armes de destruction massive et le conflit idéologique, au nom du Christ! «L'axe du mal» est tout désigné. Antoine Sfeir décrit la situation désastreuse qui mine l'Irak. Aujourd'hui, «exsangue» tombé dans la misère et le chaos, et d'ajouter: «L'Egypte, la Turquie et l'Arabie Saoudite sont autant de nations dirigées par des régimes acquis à Washington. Seule la Jordanie n'est pas une menace...». Antoine Sfeir s'interroge sur les véritables rasions d'invasion de l'irak par les USA. Il fait remarquer que l' administration de George Bush a prétendu qu'il y avait collusion entre le dictateur de Baghdad, -jadis soutenu par les USA -et Oussama Ben Laden- dont le père, au comble de l'ironie, avait traité avec la famille Bush en l'aidant dans sa gestion de puits pétroliers, de manière à sauver les USA de la faillite! Et de souligner: «Toutes les raisons stratégiques, géopolitiques, ou même pétrolières ne pouvaient justifier le développement d'un telle armada. 140.000 soldats américains sont aujourd'hui présents sur le sol irakien.» Et de se demander: «Est-ce à dire que le projet de "Grand Moyen-Orient" serait pire qu'une démocratisation impossible car imposée?». L'auteur de Vers l'Orient compliqué, note aussi à la page 79 qu'«En Afghanistan, les Etats occidentaux emmenés par les Etas-Unis avaient mis en place les talibans, contre lesquels ils se battent encore aujourd'hui.» Au chapitre d'Israël encore, Antoine Sfeir, souligne le «deux poids, deux mesures» des Etats-Unis et dénonce l'Etat hébreu qui poursuit sa «politique de violation du droit international», avec comme allié les USA qui ferment les yeux, eux qui soi-disant combattent toute forme de violence. Antoine Sfer achève son essai en faisant remarquer la prééminence de la France sur les USA, en matière de culture et finit par proposer celle-ci comme issue de secours, à même d'éduquer les populations à devenir un bon citoyen et démocrate. Autrement, la transmission du savoir comme seule alternative pour faire régner la démocratie et sauver le monde... Vers l'Orient compliqué de Antoine Sfeir Edition Sédia, 174 pages, Prix 550 DA