«La responsabilité du médecin devait être engagée, non seulement vis-à-vis du malade, mais aussi de la société tout entière.» Tel est le rappel que madame le professeur Aldjia Benallègue-Noureddine, auteur de Le Devoir d'espérance (*), avait introduit dans son allocution d'ouverture du XXVe congrès médical maghrébin, en mai 1990. S'appuyant sur sa riche expérience professionnelle en médecine hospitalière, elle avait ajouté, «le médecin doit s'impliquer dans tout ce qui conditionne une bonne qualité de vie». Elle avait également insisté sur l'importance d'assurer à l'enfant «une bonne qualité de vie dès les premiers jours de la vie», faisant observer, avec raison, l'évidence «que la vieillesse se construit dès l'enfance, mais aussi que chacun a le droit de naître sain et de vivre dans un environnement sain». Pourtant, j'ai sauté volontairement - je fais mes excuses à l'auteur et à mes lecteurs - un brin de la phrase démonstrative de Madame Aldjia Benallègue-Noureddine, et qui est celui-ci: «Ne pas oublier que l'enfant est le père de l'homme (Wordsworth), que la vieillesse, etc.» Cet apophtegme ne me semble pas convenir à la conviction scientifique générale et, pas du tout, à la sensibilité de l'immense majorité des Algériens. En effet, l'idée, celle de William Wordsworth, que «l'enfant est le père de l'homme» appartient à la seule foi chrétienne. Si séduisante, si célèbre et si bien construite qu'elle soit, la proposition sentencieuse de cet illustre auteur anglais et croyant, pèche tout de même contre les règles de notre foi. Mais je comprends que, lorsque l'on est, comme notre très estimée professeur de médecine, aussi proche de l'humain - de la souffrance humaine -, toute bonne foi peut être surprise. Cela est ainsi dit parce que nous souhaitons tous, nous voulons tous, que la pensée algérienne émerge enfin, souveraine, libre, contribuant en position d'égal à égal avec les intelligences universelles au développement de la pensée moderne. Il est grand temps que la pensée algérienne expose ses valeurs, ses références et ses travaux, créant un rapport vrai, identitaire, national, et absolument ouvert sur le monde. Aussi me plaît-il de souligner que Madame Aldjia Benallègue-Noureddine est parmi les pionnières, et particulièrement dans le domaine de la médecine algérienne, à ne pas s'incliner devant l'ordre colonial de naguère - pas plus qu'elle ne se soumet au néo-colonialisme rampant d'aujourd'hui - mais à faire l'indispensable diagnostique pour sauvegarder la santé de notre pays. Et d'abord, dans son ouvrage Le Devoir d'espérance, elle nous avertit: «L'itinéraire qu'à suivi mon existence ne peut paraître surprenant que s'il est replacé dans le contexte du vécu dans mon pays, l'Algérie. J'ai parcouru les quatre cinquièmes du vingtième siècle, depuis la Première Guerre mondiale puisque je suis née le 28 mai 1919 [Joyeux anniversaire, professeur!]... De ces quatre-vingts années, la moitié s'est déroulée dans un pays colonisé, assujetti depuis 1830 par la France, l'autre moitié d'un pays libéré de cette tutelle, indépendant depuis le 5 juillet 1962. [...] La "colonisation"», ce n'est pas une abstraction: c'est une hiérarchie du mépris qui a fonctionné dans tous les domaines. [...] Il n'est nullement dans mon intention de réveiller un quelconque ressentiment contre qui que ce soit, dans quelque domaine que ce soit.» Elle nous décrit sa vie, son éducation, sa formation, ses activités professionnelles commencées en 1947, son expérience dans l'enseignement post-universitaire, ses fructueuses participations au Conseil national économique et social, aux congrès et colloques et son parcours, si j'ose dire, «terminé» excellemment, en 1989. Madame Aldjia Benallègue-Noureddine est à la retraite depuis cette date en qualité de professeur de médecine reconnue par ses pairs, admirée par ses étudiants, estimée par ses patients. Toute cette belle oeuvre est naturellement dédiée à tous ceux qui l'ont aidée à être une Algérienne totale, dévouée et reconnaissante à son pays, en premier lieu son père. (*) LE DEVOIR D'ESPERANCE de Aldjia Benallègue-Noureddine Casbah-Editions, Alger, 2007 310 pages.