L'Algérie a connu des émeutes autrement plus violentes, mais jamais un lexique faisant référence aux ethnies n'a été utilisé. Des tracts appelant au nettoyage ethnique. Le lexique est nouveau et le contenu est grave, très grave. Répondant à une question du journaliste de L'Expression au sujet des événements de Berriane, le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a affirmé que «quatre personnes ont été inculpées et 6 ordinateurs dans lesquels se trouvaient des tracts incitant à la violence et au nettoyage ethnique ont été saisis à la suite des événements récents de Berriane». S'exprimant en marge de l'installation du nouveau wali de Chlef, hier, Yazid Zerhouni a apporté des précisons au sujet de ces dangereux documents: «Les tracts ont été rédigés au nom de la communauté mozabite et d'autres au nom de la communauté dite arabe», a ajouté le ministre de l'Intérieur à la presse, à l'issue de l'installation du nouveau wali de Chlef. Comme pour préciser et clarifier ses affirmations, M.Zerhouni ajoute que «ces tracts incitaient à la violence, à l'exclusion de l'autre et au nettoyage ethnique». En quarante-six ans d'Indépendance, jamais un pareil jargon n'a été employé en Algérie. Ce n'est pas la première fois que notre pays connaît des émeutes, mais c'est la première fois qu'un pareil langage a été diffusé dans des supports écrits. Aux pires moments des événements qu'a connus la Kabylie, jamais de pareils propos n'ont été tenus. Pourtant, la durée et le nombre de dégâts humains et matériels ont de très loin dépassé ce qui s'est passé à Berriane. «Nous avons là la preuve que ces mouvements de violence et de saccage qu'à connus la ville de Berriane ont été provoqués», a encore ajouté M.Zerhouni qui mesure parfaitement la portée et la gravité de ces documents et de leur contenu. Des affrontements avaient éclaté le 16 mai dernier entre des jeunes de Berriane. Selon les services de sécurité, les affrontements ont fait deux morts: un résident atteint vendredi par un tir de sommation de la police et un homme de 70 ans, atteint samedi par un projectile lancé par des manifestants. Ces émeutes ont fait une trentaine de blessés. Le policier responsable du tir de sommation a été placé en garde à vue. La ville a vécu plusieurs journées d'émeutes. Intervenant au sujet de ces événements, M.Zerhouni a soutenu que «le phénomène de la violence n'est pas particulier à l'Algérie. Il existe dans tous les pays, mais curieusement, il est plus fréquent dans les sociétés qui évoluent ou émergentes, ou qui sont en période de transition». S'exprimant en marge des Assises nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique tenues au Palais des nations, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a réfuté la thèse selon laquelle les affrontements intercommunautaires entre Mozabites et la population arabophone sont liés aux conditions de vie des citoyens de la région. La société algérienne n'est pas constituée d'une mosaïque de religions et d'ethnies pour en arriver à cette situation. Connu pour sa rigueur et sa rectitude en pareille circonstance, le ministre de l'Intérieur n'exclut pas «la manipulation» en se demandant si ces quatre personnes agissaient seules ou «y a-t-il une liaison ailleurs?» Ce retour inattendu au premier plan des événements de Berriane montre à quel point la situation est grave dans cette région sensible du pays. Une délégation de l'APN a entamé dimanche dernier à Ghardaïa une série de réunions de consultation avec les autorités locales pour s'enquérir des causes à l'origine des récents événements de Berriane. Mais sans plus. Réagissant à ces troubles, le groupe parlementaire du RCD a demandé une commission d'enquête parlementaire et a affirmé avoir recueilli 36 signatures sur les 20 requises. Pour sa part, Yazid Zerhouni n'a pas exclu des tentatives de manipulation. «Je n'exclus pas qu'il y ait manipulation» se demandant: «Comment un jeune, un citoyen de la ville, qui veut voir sa ville, puisse détruire la bibliothèque, le musée?» Le ministre a exprimé sa crainte de «découvrir des choses pareilles dans les endroits où il y a eu des actes de violence», citant l'exemple des évènements de Chlef et des incidents de Gdyel à Oran. Interrogé sur les événements de Chlef (27 et 28 avril derniers), M.Zerhouni a indiqué qu'«aller détruire des écoles, des centres de santé et la Cnep (Caisse nationale d'épargne et de prévoyance) ne peut avoir qu'une autre signification» que celle liée au mécontentement des citoyens sur le problème des chalets distribués à la suite du séisme de 1980.