Paradoxalement, ce ne sont pas les augmentations spectaculaires des produits de large consommation qui ont servi de détonateur aux émeutes. La société algérienne est en crise, une crise larvée, caractérisée par des manifestations violentes, trop longtemps contenues. Ces dernières revêtent-elles un cachet particulier en Algérie? En effet, en apparence, elles n'empruntent pas le schéma classique des manifestations, qui est dû, en temps ordinaire, principalement aux détériorations des conditions socio-économiques des populations en question. Entre gouvernement et gouvernés en Algérie, le divorce est consommé depuis belle lurette. Entretenir l'illusion que tout va bien relève tout simplement de la politique de l'autruche. «Ras-le-bol» doivent se dire les uns. «Qu'est-ce qui peut bien les prendre?», doivent penser les autres. Entre les deux camps, le courant ne passe plus. Aucun type de dialogue ne s'est instauré. A-t-on au moins tenté de le faire? Et pourtant des signaux forts ont été émis en direction de la classe politique, et des partis, par les électeurs. Ils ont été gavés de promesses lors des deux dernières consultations électorales de l'année 2007. Les élections législatives du 17 mai ainsi que le double scrutin (APC/APW) des élections locales du mois de novembre. Des rendez-vous électoraux qui ont été marqués par des taux d'abstention record. 65% pour le premier et près de 60% pour le second, selon les chiffres officiels. Des assemblées locales et nationales très mal élues et peu représentatives. Un coup de semonce. Le message était clair et sans appel. Il sonnait comme un désaveu. Les affaires publiques telles qu'elles étaient gérées ont été condamnées. La leçon aurait dû être retenue. Rien n'y fit. Comme à l'accoutumée, ces promesses sont restées sans lendemain. Les nouveaux élus semblent avoir tourné le dos à leurs électeurs. Aucune amélioration de leur quotidien n'est visible. Le chômage est toujours là. Le gouvernement a promis la création de 400.000 postes d'emploi par an à partir de l'année prochaine. Cela relève du domaine du surréalisme. Les revendications sont toujours les mêmes: de l'emploi et du logement. Le pouvoir d'achat a pendant ce temps-là pris du plomb dans l'aile. Les produits de large consommation flambent. Pommes de terre, légumes secs, pâtes, huile, café, sucre...subissent des augmentations sans précédent. Il y a menace sur le prix du pain. Les cours mondiaux du blé s'envolent. Quant au lait c'est toujours la même rengaine. L'Etat intervient. Il promet des subventions qui, apparemment, ne suffisent pas. Les producteurs de lait menacent à nouveau de cesser toute activité. Faut-il importer des vaches? Comment gérer un tel projet? L'accalmie reprend le dessus. Pour combien de temps encore? Curieusement et même paradoxalement, ce ne sont pas toutes ces crises économiques doublées d'augmentations de prix spectaculaires, qui pèsent pourtant très lourd sur un climat social des plus précaires, qui serviront de détonateur à toutes ces scènes de violence qu'a connues le territoire national. Berriane, Chlef et plus récemment Oran se sont enflammées. En Egypte, au Maroc ou en Somalie, les manifestations ont eu pour origine la hausse des prix des produits de consommation tels que le pain par exemple. Dans certains pays industrialisés comme la France ou l'Espagne, les hausses spectaculaires du prix du pétrole se sont répercutées de manière négative, sur le secteur de la pêche en particulier et semblent faire tache d'huile chez les agriculteurs. Des manifestations assez violentes ont opposé les pêcheurs français notamment, aux forces de l'ordre. A Berriane, les émeutes ont pris prétexte dans un fait des plus anodins. Un pétard qui a explosé au passage d'une femme enceinte. La couleuvre a du mal à être avalée. A Chlef c'est la prise en charge des sinistrés du séisme d'Octobre 1980 qui a mis le feu aux poudres. A Oran, la relégation du Mouloudia local en division inférieure a mis la capitale sens dessus dessous. Ces trois exemples suffisent, à eux seuls, à mettre le doigt sur la plaie. Le divorce entre les pouvoirs publics et les citoyens est-il consommé? Cette violence que l'on retourne quelquefois contre soi et qui prend de l'ampleur (harraga, suicides) est-elle en train de changer de côté? Une manière de dire que la gouvernance telle qu'elle est pratiquée, actuellement, doit être revue. Les revendications sont sérieuses. Elles doivent sérieusement être prises en charge. Le message est clair.