Voilà un excellent film algérien qui vous tient en haleine et ne vous lâche pas durant une heure et 34 minutes. Avec ce premier long métrage, Lyes Salem signe une oeuvre de qualité, du genre comédie de grande facture. A mi-chemin entre Le temps des Gitans d'Emir Kusturica -sa référence-, Bagdad Café - celle du «goupilleur» de décor, Jaoudet Gassouma et Telfaza Djaya (La télé arrive) du Tunisien Moncef Dhouib, et un je ne sais quoi de la Citadelle de Mohamed Chouikh, dans le côté absurde et naïf du sujet(nos références). Le réalisateur algéro-français signe ici une oeuvre du genre qui se distingue par la fraîcheur et la dynamique des dialogues d'un cinéaste/scénariste qui a fait un bel effort pour s'exprimer dans sa langue (paternelle), l'arabe dialectal. Mounir Mekbel alias Lyes Salem him self, vit avec sa famille dans un petit village de l'intérieur du pays. Très fier et sûr de lui, il n'a qu'un rêve: être enfin considéré à sa juste valeur par ses concitoyens. Son talent d'Achille: sa soeur Rym, campée par la jeune Sarah Reguigue (découverte et repérée dans le téléfilm de Fatima Belhadh, Mel Ouatni) qui s'endort à tout bout de champ et dont le village est persuadé qu'elle finira vieille fille. Un soir, Mounir rentre saoûl de la ville et annonce qu'il a trouvé un riche prétendant. Et l'organisation de la cérémonie commence...sans marié. Mais ceci sans compter sur le meilleur ami de Mounir qui tient une vidéothèque et dont l'amour pour Rym éclate au grand jour, car décidé à faire part de son projet de mariage avec elle à son frère, son meilleur ami d'enfance. Entre l'être, le paraître, le vouloir et le pouvoir, il y a plusieurs chemins que les personnages traverseront, quittes à tourner en rond, pour atteindre la sérénité de l'âme. Railler ce petit microcosme rural, c'est stigmatiser toute la société qui fonctionne ainsi, qui est montrée du doigt, en filigrane. Avec humour et intelligence. Parti de ce délire du mari factice, un Australien richissime de surcroît, tout le village vit au rythme de ce pseudo mariage fantasque inventé de toutes pièces par la prétendue mariée. Déroulé comme une belle mascarade, ce film se décline en effet comme une sympathique blague mascarienne(les fameuses de Mascara!), on devine aisément ainsi le choix de ce titre qui rappel combien l'homme, pour paraphraser F.Nietzsche est «trop près, trop défini, trop lourd, trop peu rêve et vol d'oiseau..», aussi, trop simplet parfois ou vaniteux...Un rien masqué qui se cherche une nouvelle peau. A l'image de ce Mounir, jardinier, qui prétend être ingénieur ou cette machinerie qui transportera tout le village vers ce délire chimérique de pouvoir par procuration...Comme dans Cousines, son deuxième court métrage qui lui a valu un César en 2004, Lyes Salem signe ici une oeuvre qui plaide pour la liberté des femmes comme dans cette expression où il exhortera sa petite soeur «à vivre!». On retrouve également ici cette même épaisseur candide qui transpire dans Cousines et qui nous laisse supposer que Salem est un fin «féministe» de la nouvelle génération, qui aspire avec calme et conscience à l'égalité des sexes, même en montrant des choses qu'il stigmatise par caricature taquine ou fallacieuse. Ce sont toujours les femmes qui sont porteuses de sagesse et de décision et même de courage. Rym Takoucht dans le rôle de l'épouse est très convaincante dans la peau de cette femme qui fait face à toutes les situations. «C'est mon deuxième rôle au cinéma et actuellement je joue dans un feuilleton télé en préparation pour le mois de Ramadhan, qui s'appellera "notre vielle maison." Mascarades est une très belle expérience pour moi. J'ai eu l'honneur de travailler avec des acteurs et des actrices très connus. Je remercie Monsieur Lyes Salem qui m'a donné cette chance. J'ai aimé le rôle de mon personnage. L'état de Rym. Elle est narcoleptique. J'ai toujours rêvé d'interpréter un rôle pareil. C'est un rôle un peu spécial. Le réalisateur dirige bien. Il est vraiment super...Je suis étudiante en droit. J'ai été prise suite à un casting. Je suis passée la dernière. C'est comme ça que j'ai été retenue, on m'a fait répéter des scènes, des répliques etc. Ce fut une très belle expérience pour moi. Je ne regrette pas.» nous a confié la jeune actrice Sarah Reguigue. Tourné en 35 mm et produit par Laith média (Algérie), Dharamsala (France) et France cinéma, Mascarades a également bénéficié du soutien de «Alger, capitale de la culture arabe 2007» et du ministère de la Culture (Fdatic), avec le concours de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (aarc), et le soutien de l'Onda et du Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel (Cnca). Le film a été tourné pendant huit semaines dans les wilayas de Biskra, Alger, M'sila, Batna, Tiaret, Relizane et Tissemssilt. Un film qu'on espère voir bientôt sur les écrans, tout comme l'autre, produit par Laith média, et dans lequel Lyes Salem joue. Il s'agit du controversé et sulfureux Délice Paloma.