Emir Kusturica reste fidèle à ses épopées populaires où règnent des bandits qui tendent des embuscades traîtresses, où des figures fabuleuses du folklore gitan jaillissent comme la foudre sous le regard épanoui de ce diable de metteur en scène serbe et bosniaque à la fois. Impossible de dire le centième de ce qui se passe en deux heures sur l'écran. L'univers de Kusturica est fait d'un tempérament volcanique, too much, c'est un chaos permanent mais quel beau chaos ! Le récit ultradélirant nous mène sur les traces de Tsane, un garçon qui sait compter jusqu'à dix, envoyé dans une ville par son grand-père pour vendre une vache et ramener une mariée. Tsane marche avec sa vache pendant deux jours, traverse trois collines et retrouve ses cousins de la ville. Des hors-la-loi sympathiques qui travaillent dans le cuir et le bâtiment, et sont, comme tout le monde, versés dans de louches affaires. Des bandes rivales s'anéantissent gaiement. Un rire énorme scande tout le film de Kusturica, où se suivent les pires et les meilleurs gags qu'on a jamais vus au cinéma. Mais au moins, le spectacle n'est pas agressif. II y a plus de survivants que de morts. Ce n'est sûrement pas comme chez les frères Coen qui massacrent à bout portant, des dizaines de Mexicains et d'animaux dans leur film. En Angleterre, il y a eu un tollé. Non pas parce que les cinéastes américains filment des tueries d'hommes, des Mexicains entre autres, mais parce que les Coen-brothers tuent des chiens ou, du moins, les font passer, dans leur film, par de grandes souffrances. La ligue de protection des animaux a déjà protesté. Kusturica s'interdit ce genre de choses. Son œuvre d'une grande richesse humaine, quand il filme les paysans, devient très critique quand il montre les choses terribles qui se passent dans la ville : violence, corruption... Gai et chaleureux parmi les paysans, Kusturica vire à la vengeance quand il filme dans la ville. Mais tout cela est enveloppé d'un humour frénétique et aussi d'une bonne dose de vacherie. Pendant la projection, on se demandait qui du serbe ou de l' Algériens est le plus déjanté, le plus « fou ». Il y a une ressemblance stupéfiante entre nous. Et une actrice comme Biyouna a certainement sa place dans l'univers d'Emir Kusturica .