Le village ploie toujours sous le joug. La population a peur de la nuit. La liesse était partout ce vendredi et samedi à Berkoukas, ce gros village de Maâtkas. Les gens affluent vers la maison des B. La famille, tout sourire, recevait les compliments des gens du village et d'ailleurs. On les félicitait pour la libération de Mourad, leur fils kidnappé dans la nuit du 13 juin par six individus armés, au niveau de la place d'Afir. Mourad, 32 ans, père de quatre enfants, a été durant 25 jours l'hôte involontaire de ses ravisseurs. En effet, Mourad a été libéré dans la nuit de jeudi à vendredi au niveau du lieudit Ighil Ou Menchar sur le CW 147 menant de Tizi Ouzou à Mechtras et traversant la daïra de Maâtkas. Ce dernier paraissait fatigué et marqué par ses longues journées de détention, mais devant sa famille, il a pris sur lui et a puisé, du fond de ses ressources, un sourire éclatant, disait un villageois qui, à l'instar de tous les gens du village, affichait une joie non feinte. Selon un autre villageois, «normalement, le lieu de détention de Mourad ne devait pas être si loin que cela». Il explique ce fait ainsi: «Le lieu où Mourad a été relâché, est un lieu proche finalement de la forêt d'El Maj. C'est possible que cela soit en ces lieux que Mourad était détenu, vous savez, il n'est pas assez fort et ne peut donc pas marcher sur une très longue distance.» Questionné à propos des liaisons téléphoniques entre les ravisseurs et la famille, notre informateur explique: «Je pense que les ravisseurs ont contacté la famille au moins à trois reprises; la première fois pour annoncer au frère que Mourad était malade, la seconde fois pour fixer la rançon et enfin la troisième fois, certainement pour les modalités de la remise de la rançon.» Evoquer le chiffre approximatif de cette rançon parait presque incongru face à la joie de la famille et nos sources disent ne pas savoir exactement le montant de cette rançon, mais dira un des villageois: «Pas moins de 5 millions de dinars. Vous savez ces gens-là (les terroristes Ndlr) ne se dérangent pas pour des piécettes.» On poursuit la conversation pour essayer de savoir pourquoi cette concentration de kidnappings dans la seule localité de Maâtkas et, notamment à Berkoukas. Notre vis-à-vis rectifie: «Non, pas tous, mais il est vrai qu'entre les kidnappés de Berkoukas et ceux des villages d'Aït Ahmed et Aït Zaïm cela en fait beaucoup. Vous savez entre Berkoukas et ces derniers villages, il n'y a, à vol d'oiseau, environ 800 mètres et on peut raisonnablement dire que la moitié des familles, si ce n'est plus, de Berkoukas, sont originaires d'Aït Ahmed.» Puis il se met à compter sur ses doigts le nombre de kidnappés. «Au départ, il y eut le jeune M.S.Ahmed originaire de Berkoukas et habitant Boghni où il gérait une petite affaire de fraisage», et la longue et douloureuse liste se dévide, «le fils du quincaillier de Berkoukas, Ahcène dont la famille a dû payer, au bas mot, 3 millions de dinars, K.Mustapha a vu sa famille payer une jolie somme. On parle de 3 millions de dinars pour être libéré. B.Mourad est, en fait, le quatrième de Berkoukas alors que M.Belkacem, frère du patron de l'entreprise de transport de voyageurs, lui, est d'Aït Zaïm et Z. Hocine le deuxième kidnappé après M.Belkacem est lui, d'Aït Ahmed tout comme l'avant-dernier kidnappé Moh Ou Babas. Un autre citoyen dont l'occupation est apparemment la vente et l'achat de devises est le seul enlevé de Maâtkas, qui, en fait, habite Agouni Boufal, une localité de la commune de Souk El T'nine dans la daïra de Maâtkas». Maâtkas a peur. L'angoisse a saisi les gens aisés. Beaucoup ont d'ailleurs changé de lieu de résidence. Ceux qui sont restés à Berkoukas ou dans les autres villages de Maâtkas, ont tout simplement peur de la nuit. Pour conclure, un citoyen de la région dira: «Quand le vent fait bouger quelque chose dehors, je tremble en pensant que les autres sont là...La vie est devenue un enfer.»